Alain Boulogne, président de la Cipra : « Il faut un plan B pour la montagne »

Changement climatique, rareté des ressources disponibles, fragilité des économies montagnardes… A l’initiative de Claude Comet, la Région s’interroge sur la pertinence du modèle de développement de la montagne. Elle propose une approche prospective. Objectif : proposer un scenario pour l’avenir de nos montagnes. Des évènements ponctueront toute l’année 2012.

La Commission Internationale pour la Protection des Alpes (Cipra), fondée en 1952, est une ONG représentant une centaine d’associations des 7 pays alpins. Intervenant de la première rencontre, Alain Boulogne, son président, nous livre ses craintes et ses espoirs.

Quelle est votre vision de l’aménagement de la montagne en 2040 ?

On peut le voir de deux manières. Il y a le plan « A » qu’on connaît bien. C’est ce que nous avons fait depuis des décennies avec les sports d’hiver, les grandes infrastructures, les canons à neige. Dernièrement, un responsable d’un grand opérateur touristique m’a confié son inquiétude : les jeunes ont zappé le ski. On ne sait plus les attirer.

Il va donc falloir passer rapidement à un plan « B », une autre vision de l’aménagement de la montagne. Le problème est qu’on n’arrive pas à en sortir, le virage s’annonce difficile à prendre.

En quoi peut consister ce « plan B » ?

La montagne est l’un des rares endroits où il reste de l’espace. Les Alpes sont un peu le massif central de l’Europe. C’est là que les gens peuvent encore se ménager des temps de respiration pour supporter la vie. C’est ce que j’appelle l’effet « Waouh ! » : la montagne est cet endroit unique qui procure cette émotion d’une amplitude, d’une profondeur…

Mais pour conserver cet effet de bien-être chez les visiteurs, nous devons d’abord avoir fait en sorte que notre territoire ne se dégrade pas, et nous devons être capable de proposer une sorte de mise en scène du paysage.

Faut-il faire davantage de ce que l’on appelle le marketing territorial ?

Oui, mais il faut le faire bien, car le touriste ne doit pas se faire rouler. La montagne a encore une culture du « bon » : les vins, les fromages… C’est une carte à jouer prudemment, car la réputation d’un terroir ou d’une filière peut être vite ruinée si elle n’est pas en mesure de faire ses preuves.

Alors pour la montagne, en-dehors du tourisme, pas de salut ?

Il m’est difficile de croire en des projets d’aménagement qui ne passent pas par là. Les difficultés d’accès fait que tout coûte plus cher. A elle seule, l’agriculture de montagne n’a jamais nourri son monde, et ce n’est pas un hasard si ces territoires ont connu l’exode rural. On peut cependant espérer stabiliser la population en développant l’accès aux réseaux numériques, ce qui peut favoriser le télétravail.

Mais d’ici 2040, il y aura aussi des problèmes environnementaux à régler…

Il y a deux grands pièges à carbone auxquels il faudra s’attaquer. Le premier, ce sont les allers-retours des touristes qui sont un gros émetteur. Si nous voulons changer les habitudes, nous devons parler d’une seule voix. Le second, c’est l’isolation des bâtiments. On a beaucoup construit sans exigence sur les normes thermiques. Cela ouvre un chantier, et donc de l’emploi pour des dizaines d’années.

Il y a aussi bien d’autres fronts sur lesquels nous battre : le problème de l’eau, des milieux naturels… Le problème est que nous risquons d’être taxés d’oiseaux de mauvais augure ! La prise de conscience progresse, mais le changement est lent à se produire.

Quand tout le monde aura compris que le plan « A » n’a pas d’avenir, il faudra faire preuve d’intelligence collective pour construire le plan « B ». Le problème doit être pris par tous les côtés : sur le terrain, il faut que les acteurs s’unissent pour travailler ensemble ; et en haut de la pyramide, il faut que les élus donnent l’impulsion politique.

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