ERIC PIOLLE : «DES DÉCISIONS POLITIQUES NOUS ONT AMENÉS À LA CRISE, D’AUTRES DÉCISIONS POLITIQUES PEUVENT NOUS EN SORTIR»

Dans une assemblée comme le Conseil régional, le débat budgétaire est l’occasion pour les groupes politiques d’exprimer les grandes orientations qu’ils souhaitent. Pour Eric Piolle, coprésident du groupe EELV, la crise environnementale, sociale et économique ne doit pas être pour une collectivité bien gérée l’occasion  d’affaiblir son action. 

« Mesdames et messieurs les Conseillers Régionaux,

Nous lançons ce matin, par cette discussion budgétaire, l’année 2012.

Les 15h de débat que nous avons eu hier ont permis à chaque groupe politique d’exposer son point de vue.

Voici celui du groupe Europe Ecologie – Les Verts.

Nous saluons tout d’abord la qualité des débats de ces derniers mois au sein de la majorité.

Je tiens à souligner 3 points.

Le premier est relatif à l’équilibre général du budget : fonctionnement, investissement, emprunt. Vu les contraintes qui pèsent sur la région – nous avons parlé mercredi du gel des crédits de l’état et surtout de la perte d’autonomie fiscale imposée par le gouvernement de M.Sarkozy –, l’équilibre n’est pas si mal.

Nous avons pesé de toutes nos forces pour le maintien du fonctionnement qui a été actée hier.

Il n’y a pas un fonctionnement qui serait une charge trop lourde à contraindre et un investissement par essence vertueux.

Le fonctionnement, c’est la richesse du quotidien de l’action régionale en faveur de les lycéens, de la formation tout au long de la vie, des transports, de l’action associative et culturelle, de l’animation des réseaux économiques par lesquels nous pouvons impulser une transformation écologique de l’économie.

Les investissements vertueux ne sont que ceux qui participent à l’effort de reconversion, de relocalisation et de redistribution.

Non, rénover des stades de foot pour se conformer aux critères imposés par l’UEFA pour le championnat d’Europe de foot, cela n’est pas vertueux, comme ne l’étaient pas les investissements demandés par le CIO pour les Jeux Olympiques d’Annecy.

Non nous n’avons pas besoin d’investir d’argent public, qui plus est sans aucune contrepartie, dans des groupes privés qui marchent sans nous et ne participent pas à la transformation écologique de notre société.

2ème point que je souhaite souligner dans ce budget :

De nombreux amendements l’ont enrichi hier. Les nôtres ont porté sur un effort de lisibilité, étape nécessaire pour continuer à avancer dans l’application de critères d’éco-socio-conditionnalité pour les financements régionaux.

Ils ont porté sur une accélération de l’effort pour le climat.

Et nous sommes fiers que la majorité porte notre amendement sur l’augmentation de la coopération internationale et de l’aide au développement.

La tempête financière ne doit pas altérer notre capacité de décision pour les objectifs de long terme.

Le dernier point qui nous frappe dans cette discussion budgétaire, c’est que, malheureusement, certains de nos amendements se sont heurtés à un dogme et une inertie.

Une inertie quand nous tentons de stopper des financements qui nous semblent contraire à nos objectifs communs.

Un dogme quand nous portons l’adaptation des moyens du service public aux besoins de nos concitoyens. Nous l’avons vu hier lors de la discussion sur la maintenance informatique dans les lycées. Espérons que nous pourrons revenir sur cette question.

Il ne faudrait pas que l’intoxication néo-libérale des esprits nous fasse intégrer, même partiellement, que l’embauche de fonctionnaires est un problème en soi.

Réagissons. Repartons des besoins. Et trouvons des solutions sans écarter a priori l’action publique.

Il en est de même du dogme de la croissance, remplacé depuis quelques mois par le dogme du triple A.

Même si la répétition est l’art de la politique et qu’Etienne Tête nous rappelait hier que la répétition d’idées justes porte ses fruits, je ne reviendrai pas sur l’illusion quasi mystique d’une croissance qui nous sortirait du chômage de masse et de la crise sociale tout en préservant les ressources de la planète et la biodiversité. [FIGARO du VENDREDI 16].

Aujourd’hui je voudrai parler des vrais enjeux autour de la dette.

1700 milliards d’euros. Cette dette est le fruit d’une triple cause :

1) le chômage de masse qui a enflé depuis le milieu des années 70 dans les pays occidentaux.

2) la façon dont on a voulu le traiter.Pour citer Bruno Palier dans un article paru le mois dernier dans la revue ESPRIT, – Bruno Palier est chercheur au CNRS et a même récemment collaboré avec la Fondation Terra Nova, voyez si j’ai parfois des lectures éclectiques ! – « la stratégie de compétitivité fondée sur la réduction des coûts, l’hyper productivité et le management par le stress des salariés [a montré] ses limites […] La théorie du ruissellement économique qui voulait nous faire croire que les profits d’aujourd’hui devaient être les investissements de demain et les emplois d’après-demain [est un échec]. Les immenses revenus générés ont surtout été employés pour alimenter la spéculation. »

3) la baisse des impôts des plus riches – corporations et ultra-riches -, 100Mds depuis l’an 2000.

Chaque semaine, M.Sarkozy cherche à baisser la tête en espérant que ça passe. Et ça ne marche pas ! [FIGARO 8 décembre, LE MONDE du JOUR]

Et personne ne dit 2 choses :

1) la dette est de 1700 milliards euros à peu près.

Les intérêts que nous avons payés s’élèvent à 1340 milliards d’euros.

En pratique, la dette n’est pas due à un déficit chronique entre les recettes et les dépenses d’actions. Mais au fait que nous n’avons pas voulu rembourser cette dette au début, et que nous avons donc été happés par la boule de neige des intérêts.

2) Même si, par un plan d’austérité qui emporterait des pans entiers de notre société, les comptes publics dégageaient un excédent de 1%, il faudrait plus de 50 ans pour rembourser la dette. Il nous faudra revenir sur la création monétaire par le privé.

L’économie mondiale n’est pas calée sur mai 2012. Vu la vitesse à laquelle la situation peut se dégrader, la présidentielle française est encore loin. Notre devoir est donc de peser, dès maintenant, avec force, dans chaque débat, sur chaque décision.

La seule question qui se pose (mais elle est fondamentale !) est de savoir si la crise setraduit seulement par quelques grosses turbulences, qui sont l’occasion de renforcer notre cohésion nationale, de construire enfin une Europepolitique et d’humaniser la mondialisation, ou si elle est semblable au tsunami dont parle Nicolas Sarkozy. Un tsunami qui provoque l’effondrementde pans entiers de nos sociétés.

Dans cette course entre la transformation et le chaos, nous avons perdu du temps : régulation des marchés financiers, taxe Tobin, rien de structurel n’a été fait.

L’analyse néolibérale s’impose dans le débat public et les populismes se nourrissent du désespoir, rendant peu à peu inaudible tout discours rationnel.

Mais ce sont des décisions politiques qui nous ont amené à la crise, et d’autres décisions politiques peuvent nous en sortir.

Le défi qui est le nôtre pour l’an prochain sera de balayer ensemble chacune de nos politiques, afin d’identifier au regard d’objectifs communs ce que nous devons arrêter et ce que nous devons accélérer.

Nous savons que c’est un exercice difficile, qui demande de la confiance et du travail collectif. Mais il nous semble que nous avons avancé ces derniers mois sur ces aspects.

Et je finirai, car c’est bientôt Noël, et que nous pouvons aborder des sujets sérieux avec légèreté, par une citation issue d’une papillote mangée hier :

« La sagesse, c’est d’avoir des rêves suffisamment grands pour ne pas les perdre de vue lorsqu’on les poursuit ».

C’est d’Oscar Wilde.»

 

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