Intervention de Eric PIOLLE : Compte Administratif 2010
Ce Compte Administratif est le premier de ce nouveau mandat, il reflète en fait un budget qui était le dernier voté par l’ancienne mandature mais qui a été exécuté pour une large part par cette assemblée et cet Exécutif.
Pour éviter tout suspens nous nous sentons, à la fois par la majorité de 2009 qui a voté ce budget et par notre engagement dans cette majorité, totalement solidaires de l’exécution de son budget et nous voterons donc ce rapport.
Je ne reviendrais pas sur les différents chiffres de ce rapport, forts bien présentés par le Vice-Président délégué aux Finances.
Il y a juste un point d’alerte pour nous en ce qui concerne le taux d’exécution. Parce que certes dépasser les 90% cela reste raisonnable mais c’est une baisse par rapport aux années précédentes et cette baisse est aussi liée à deux axes forts de nos politiques :
- le premier sur les transports, et qui reflète les difficultés que l’on rencontre avec la SNCF, mais qui sont des difficultés que tous les usagers rencontrent et qui sont vraiment au cœur de nos préoccupations.
- le deuxième axe c’est évidemment les lycées où on peut se poser là aussi des questions sur nos politiques en matière d’investissement.
Je voudrais aussi souligner qu’il faut se méfier d’un certain darwinisme sémantique néolibéral en ce qui concerne la croissance et les dépenses de fonctionnement.
- La croissance parce qu’on retrouve dans ce document comme on retrouve dans toutes les interventions la « croissance qui continue de mobiliser toutes les énergies et tous les efforts ». J’entendais encore hier Xavier Bertrand se féliciter « d’une sortie de crise et de la croissance qui revient ».
Je crois à nouveau que nous nous trompons de boussole ici et que concentrer l’ensemble de nos efforts sur un stimulus de croissance quand on voit l’évolution des trente dernières années et quand on voit en quoi la croissance à contribuer au bien humain et à la préservation de la Terre. C’est vraiment se mettre le doigt dans l’œil. Ainsi l’espérance de vie plafonne dans certains pays de l’Europe de l’Ouest et même baisse pour certaines populations aux Etats-Unis.
- Sur le fonctionnement là aussi, je suis content d’avoir entendu Jean-François Debat parler d’interventions. Il est effectivement prioritaire pour nous de parler de dépenses d’interventions et non de « poids de charges de fonctionnement » que l’on devrait maîtriser afin de pouvoir continuer à investir. L’intervention et nos politiques d’interventions vont devenir de plus en plus importantes dans les années à venir.
Je voudrais également répondre aux deux interventions du Front National et de l’UMP.
- Le FN, malgré certains points non dénués d’intérêt comme les dépenses régionales à l’occasion de l’exposition universelle de Shangai, a un discours ici qui se voudrait social, défenseur de la veuve et de l’orphelin complètement contraire à la politique économique qu’il proposait jusqu’à il y a peu sur leur site. Et au vote, on les voit opérer au fil de l’eau. Donc je voudrais dénoncer ce mensonge qui dans les discours se portent sur la défense des plus faibles et qui dans les faits est une politique ultralibérale. Il n’y a qu’à voir la gestion qui a été faite dans les quelques villes où vous étiez au pouvoir.
- Je voudrais également répondre à l’UMP à propos de la dette et de la dérive de la dette régionale.
La dette de la Région c’est aujourd’hui à peu près 200€ par habitant, la dette de l’Etat est au-delà des 20 000€ par habitant. Le ratio est de 1% mais le ratio des budgets n’est que de 1 pour 15.
Nous pouvons donc dire que les collectivités locales, et particulièrement la Région, sont très peu endettées surtout au regard de ce qu’est endetté l’Etat.
Je voudrais également mettre en lumière l’évolution de la dette de l’Etat sous les gouvernements de droite de ces dix dernières années mais également sous la période Balladur-Sarkozy de 1993.
Je me suis toujours demandé si c’était la faute à pas de chance mais si vous regardez l’évolution de la dette française les deux pics d’explosion se situent au moment de 1993 quand Baladur et Sarkozy arrivent au pouvoir et à partir de 2002. Evidemment ils n’ont pas de chance et ils arrivent après les socialistes qui ont étranglé l’Etat et puis la crise mondiale, oui à chaque fois qu’ils arrivent c’est la faute à pas de chance, c’est la faute aux prédécesseurs. Mais quand on voit que ça se passe comme ça, quand on voit qu’on a la même lecture aux Etats-Unis avec l’arrivée de Reagan en 1980 et l’arrivée de Bush en 1998… Reagan qui a impulsé la dérégulation de l’ensemble du monde et qui a détruit le consensus qui sortait de l’après-guerre et qui était un consensus international.
Au-delà de ces remarques, je voudrais quand même dire que ce Compte Administratif nous fait avoir un sentiment étrange :
Certes il est excellent d’un point de vue comptable mais nous ne pouvons pas ne pas nous questionner sur l’opportunité que nous avons réussi à prendre ou pas, et dans quelle mesure, d’infléchir nos politiques économiques.
Je voudrais éviter aussi que l’on ait un discours qu’on entend si souvent dans les grandes entreprises qui est de dire quand ça va bien « attention le futur est dangereux, serrons les boulons » et quand ça va mal, « ça va mal et donc serrons les boulons aussi ». Il nous faut sortir de cette logique comptable, vraiment réfléchir à comment infléchir notre politique de société et comment aider à accoucher d’un nouveau modèle de société. Nous avions d’ailleurs dans notre accord de mandature spécifié un point essentiel : les 5% de redéploiement annuel de nos crédits. Et finalement nous aurons besoin, le Président de la commission Finances l’a indiqué, au fil des années d’ajouter du qualitatif à ce compte administratif afin que l’on puisse voir effectivement si l’on arrive à orienter nos politiques publiques.
Il s’agit donc de changer de boussole et pour en revenir à la dette, il faut rappeler quand même que dans les critères de Maastricht, le fameux carré magique de Maastricht, il y avait : ne pas dépasser 60% du PIB en dette, ne pas dépasser 3% de déficit public sur l’année. Ces deux chiffres, juste pour revenir deux secondes sur la croissance, sont basés sur le fait que, avec 3% de déficit public par an et avec 5% de taux de croissance annuelle on arrive à maintenir un taux d’endettement du pays de 60% du PIB. Donc les accords internationaux que nous avons signé sur la maîtrise de nos comptes publics et finalement le carcan dans lequel on a choisi de s’insérer, c’est d’avoir une croissance de 5%. Une croissance annuelle de 5% on n’a pas connu ça depuis les années ’60, c’était encore la période de reconstruction. Ca fait doucement rêver.
Et nous proposerions bien pour orienter nos politiques publiques un nouveau carré magique de Maastricht. Vous savez que le carré magique de Maastricht avait en fait cinq coins, je vais donc aussi en proposer cinq, et qui d’ailleurs faisait partie d’un Traité de l’Europe sociale porté par de nombreux amis européens en 2004, autour d’une nouvelle boussole qui ne serait pas la croissance mais :
- un taux de chômage inférieur à 5%
- un taux de mal logement inférieur à 3%
- un taux de pauvreté inférieur à 5%
- un taux d’illettrisme à 10 ans inférieur à 3%
- et enfin le cinquième coin du carré une aide internationale dépassant les 1% du PIB.
Voila cette nouvelle boussole qui pourrait nous servir de guide et avec laquelle on pourrait évaluer notre compte administratif non seulement en termes comptables mais aussi en termes qualitatifs.