Intervention d’Yves Paccalet sur la candidature d’Annecy aux JO 2018

Mes chers collègues,

 

La dernière fois que nous avons évoqué l’hypothèse (vacillante !) des Jeux olympiques d’Annecy, l’un d’entre vous s’est gentiment moqué de notre groupe : il nous a accusé de vouloir des « Jeux olympiques Intervilles ». Sous-entendu : les gens sérieux, c’est nous… Je serai donc sérieux : au risque de vous décevoir vous ne trouverez pas beaucoup d’élus Europe Écologie-Les Verts parmi les amateurs d’« Intervilles », de « Koh-Lanta » ou de la « Ferme des Célébrités ».

 

Nous aimerions simplement que les Jeux olympiques restent modestes, c’est-à-dire tournés vers le sport, non vers la politique ou le fric. Vers l’exaltation de l’effort, et non celle du chauvinisme ou du nationalisme. Dans nos Jeux olympiques à nous, par exemple, on donnerait des médailles aux athlètes, mais on ne jouerait aucun hymne national ; et on cesserait le décompte des breloques par pays : ce classement ne reflète que l’arrogance des plus riches ou des plus tyranniques, c’est-à-dire souvent des plus tricheurs ou des plus dopés.

 

Nous autres, écologistes, nous adorons l’utopie : mais pas au point de croire à la gentillesse universelle. Nous sommes naïfs : mais pas jusqu’à nous laisser embobiner par des promesses de pactole. Il n’y a jamais eu de Jeux olympiques financièrement équilibrés, et il n’y en aura jamais. La presse italienne a récemment dénoncé le gouffre budgétaire de Turin, et le fait que la plupart des installations prétendument pérennes y tombent déjà en ruine. Je rappelle que les Jeux olympiques d’Albertville se sont soldés par un trou de 45 millions d’euros ; je vous épargne le calcul des augmentations d’impôts consécutives.

La région Rhône-Alpes, vu sa situation financière actuelle qui obère déjà sa capacité à respecter un principe simple d’équité dans la rémunération de ses personnels, peut elle se permettre d’investir dans ces JO ?

 

Nous autres, écologistes, ne sommes pas opposés à un déficit d’investissement ou de fonctionnement, à condition que l’opération ait un sens pour les peuples, qu’elle aide la démocratie, qu’elle fasse avancer la cause de la paix, ou tout simplement qu’elle apporte un moment de bonheur authentique aux humains. Le projet de Jeux olympiques d’Annecy incarne jusqu’à présent le contraire. Durant la phase de candidature, le spectacle que nous ont donné les responsables politiques locaux a oscillé entre le comique et le consternant : « C’est moi le chef ! Poussez-vous… » Avides de passer à la télévision (vous aviez raison : « Intervilles » n’est pas loin…), ces leaders minimos ont magnifiquement fait perdre les Jeux olympiques d’été à Paris, au profit de Londres. Parce qu’on ne change pas une formule qui perd, ils ont recommencé avec Annecy.

 

Ce n’est pas l’essentiel. Nous avions conditionné notre soutien à la candidature savoyarde à de substantielles avancées sociales et écologiques. Force est de constater que la plupart de nos demandes ont été passées à la trappe. Pour ce qui touche au social, nous ne voyons pas ce qui différencie le sort des futurs prolétaires des hypothétiques J.O. d’Annecy du destin qu’ont trouvé les employés de la Compagnie des Alpes, lesquels font grève, en ce moment même, dans les stations des Arcs, de La Plagne et de Peisey, en brandissant des pancartes sur lesquelles on peut lire : « Nous ne sommes pas des chiens ! » C’est à La Plagne, je le rappelle, que se dérouleraient les épreuves de bob des J.O. d’Annecy.

 

Du côté de la protection de la nature, ce n’est pas mieux. Nous avons l’impression d’avoir parlé pour rien. Mais là, d’un coup, je me reprends à espérer… Avec certains de nos collègues, j’étais à La Clusaz, l’autre jour, lors de la visite des sites annéciens par le Comité international olympique. J’ai assisté à la Table ronde sur le Tourisme et la Montagne, que le président de la République a réunie autour de lui. J’ai entendu Nicolas Sarkozy traiter les écolos de passéistes, de créatures sans jugeote bloquées au Moyen Âge. Bon, ça, normal… Mais j’ai écouté jusqu’au bout notre président, et ce qu’il a ajouté m’a paru intéressant. Primo, a-t-il dit, nous devons développer de façon harmonieuse l’économie de la montagne, et notamment préserver le foncier agricole qui permet aux paysans de vivre, dans la plaine du Fayet comme autour d’Annecy ; juste avant, le président avait goûté le reblochon fermier… Secundo, a-t-il poursuivi, il nous faut faciliter le classement du massif du Mont-Blanc au patrimoine mondial de l’UNESCO. Tertio, nous avons le devoir d’accélérer le classement en réserve naturelle du massif des Aravis. Quarto, la préservation du massif du Semnoz est urgente… J’avais l’impression de me retrouver dans le grand salon de l’Élysée, lorsque Nicolas Sarkozy avait conclu et approuvé nos travaux du Grenelle de l’Environnement.

 

Je suis un écolo naïf, mais néanmoins bon citoyen : je cherche à faire plaisir à mon président. J’espère que ses paroles de La Clusaz s’envoleront moins vite que celles du Grenelle… Mes chers collègues, notre assemblée peut et doit aider Nathalie Kosciuzko-Morizet, Chantal Jouanno et Frédéric Lefèbvre (les trois ministres présents à la Table ronde) à mettre en œuvre les projets de leur lider maximo. En ce qui concerne le Semnoz, j’ai déjà de bonnes nouvelles, que nous devons amplifier : madame Marie-Luce Perdrix, maire de la commune de Guffry, dont dépend tout le sommet de ce massif, a déclaré au dernier comité syndical du Parc régional des Bauges qu’elle allait demander à son conseil municipal de prendre une délibération de classement du site. Pour ce qui touche au massif du Mont-Blanc, nous autres, écologistes, réclamons depuis longtemps d’aller bien plus loin que les classements « espace », « grand site » ou même patrimoine mondial UNESCO : nous voulons y créer un parc naturel international (franco-italo-suisse). Quant à la protection de la plaine du Fayet et au classement du massif des Aravis, obéissons à notre président : soyons enthousiastes ! Accélérons les procédures !

 

Mes chers collègues, si nous avancions réellement dans toutes ces directions, l’improbable pourrait arriver : vous verriez des écologistes heureux ! Satisfaits à l’idée que les Jeux olympiques d’Annecy (si Annecy les obtenait) deviendraient autre chose qu’un grand cirque télévisuel. Qu’ils seraient une manifestation neuve et belle, à taille humaine finalement, loin de ce que nous craignons qu’ils soient aujourd’hui, à savoir (je reprends l’image) un monstrueux « Intervilles » du fric et du nationalisme, saccageur, dispendieux et injurieux pour la montagne.

 

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