Intervention de Pierre Mériaux sur la stratégie régionale de développement économique et d’innovation

A quoi doit servir la définition d’une stratégie régionale de développement économique et d’innovation ?

Pour nous, cette stratégie doit permettre de construire une société permettant aux femmes et aux hommes d’avoir une vie digne, pleine et durable.

Or si nous avons pu croire un temps en la promesse d’une croissance économique assurant un avenir prospère pour tous, il faut désormais faire preuve de cécité volontaire pour nier le décalage croissant entre ces promesses et la réalité.

  • Décalage d’abord visible pendant les « Trente glorieuses » dans la répartition des moyens de subsistances et des richesses entre les pays « occidentaux » et les pays « en voie de développement », cette prédation des ressources du Sud n’ayant pas encore disparu, loin de là.
  • Décalage ensuite depuis 30 ans au sein même de nos sociétés, par le délitement de la cohésion sociale sous les coups de la précarité massive et du consumérisme organisés au profit d’une infime minorité qui tient les leviers de l’économie marchande et infiltre tous les réseaux de pouvoir.
  • Décalage enfin, créé par les prélèvements excessifs de ressources naturelles et leur transformation en rejets polluants, destructeurs du climat et de la biodiversité, destructeurs de liberté pour les générations futures.

 

Nous allons dans le mur, « la maison brûle » et nous peinons à accoucher d’un nouveau modèle de société écologique, alors que le gouvernement rétropédale avec force depuis le Grenelle de l’environnement, détruisant même des filières en cours de construction comme celle des énergies renouvelables en éolien et photovoltaïque.

Les principaux signaux traduisent une accélération de ces 3 processus : Pic de pétrole quasi atteint voire dépassé, 6ème extinction d’espèces, réchauffement climatique, pollution, accroissement des inégalités dans le monde malgré l’émergence de classes moyennes au Sud, souffrances psychologiques massives de catégories larges de la population (jeunes, salariés, chômeurs, exclus de la frénésie consommatoire,…).

Pour y voir clair et mettre en cohérence nos actions avec nos discours nous devons d’abord abandonner nos vieilles croyances : la technologie et la croissance du PIB surpuissantes et salvatrices.

Le progrès technologique, pourtant toujours plus rapide, ne fera pas contrepoids à l’augmentation de la population et à l’évolution actuelle des modes de vie des femmes et des hommes, notamment dans les pays du Sud envers qui nous devons reconnaître notre « dette climatique ».

Nous ne faisons là que paraphraser le discours d’un certain Vincent CHRIQUI lors de la présentation du dernier rapport du Centre d’Analyse Stratégique sur la consommation durable le 28 janvier dernier :

–          Notre modèle actuel de consommation génère des pressions environnementales et sociales croissantes. Beaucoup d’indicateurs environnementaux sont au rouge, qu’il s’agisse du changement climatique, de la pollution des nappes phréatiques ou de la destruction de la biodiversité qui fait craindre une sixième extinction des espèces.

(…) De plus, les inégalités d’accès aux ressources subsistent dans le monde : un Européen consomme chaque jour en moyenne quatre fois plus de ressources qu’un consommateur africain, mais deux fois moins qu’un consommateur d’Amérique du Nord. Nous devons ainsi réduire les pressions engendrées par nos modes de consommation sur les écosystèmes, diminuer nos émissions de gaz à effet de serre, notre consommation d’hydrocarbures et de ressources naturelles…

–          Le progrès technique ne suffira pas à résoudre les problèmes environnementaux auxquels nous sommes confrontés. De plus, le résultat des politiques d’amélioration de l’offre est généralement compromis par « l’effet rebond ».

–          Développer l’offre de produits « verts » ne permet pas de diffuser les bonnes pratiques au-delà d’un cercle restreint d’éco-consommateurs initiés.

Comment ne pas être d’accord avec ce constat lucide, fait depuis 1974 au moins en France par l’écologiste René Dumont ? Reste, et c’est le plus difficile, à passer à la construction de politiques efficaces, à tous les niveaux, ce qui n’est pas le cas dans la dernière période.

Est-ce la voie choisie quand le gouvernement lance un plan de « prime à la casse », fort coûteux pour les finances publiques, pour «  sauver » à très court terme les producteurs automobiles plutôt que de les engager vers une transition de leur modèle de production ? Non, c’est évident.

La région Rhône-Alpes se doit donc d’aller beaucoup plus loin qu’un Etat schizophrène qui produit des rapports d’analyse intéressants mais sans avenir concret puisque « l’environnement ça commence à bien faire »…

Au-delà des questions environnementales et de l’impossibilité d’une croissance perpétuelle dans un monde fini, nous observons la diminution inexorable de la croissance moyenne par décennie dans les pays occidentaux, malgré des stimulis toujours plus forts  et fort coûteux pour les finances publiques.

La première question n’est donc même pas d’être pour ou contre la croissance, mais de reconnaître que la croissance du PIB ne retrouvera pas les niveaux des 3 décennies d’après guerre dans les économies occidentales.

Et ne peut donc tenir lieu d’objectif principal pour retrouver un bonheur perdu.

Pour accélérer la transformation de la société, l’écologie politique propose de revenir à la simplicité de quelques textes fondateurs : les principes du programme du Conseil National de la Résistance, la déclaration de Philadelphie, la déclaration universelle des droits de l’homme, tous textes rappelés avec brio et succès par Stéphane HESSEL.

En matière d’économie, cela se décline par un triple objectif dans le cadre de nos compétences régionales :

ü Soutenir prioritairement et massivement la satisfaction des besoins de base : logements, alimentation saine donc agriculture saine, transports collectifs.

ü Préserver les ressources et la santé : santé, énergies renouvelables, économie du recyclage et circuits courts, dépollution.

ü Redonner du sens à nos vies morcelées par la course à la consommation, soutenir l’ESS, la vie associative, les initiatives citoyennes.

Ces activités ont une utilité écologique, c’est-à-dire environnementale et sociale.

Elles procurent un retour sur investissement à la fois environnemental, social, sanitaire et de développement humain.

Pour modifier progressivement les circuits économiques, nous devons sensibiliser, éduquer et former.

Nous devons encourager les initiatives émergentes et l’innovation, sans focalisation sur la seule innovation technologique.

Nous devons agir sur la production et sur la consommation par des normes contraignantes, des labels clairs, une fiscalité qui intègre les coûts totaux – y compris la fin de vie et la consommation de ressources naturelles.

La puissance publique doit aussi offrir un cadre cohérent et stable et être elle-même un acteur cohérent dans les marchés publics en appliquant concrètement des critères d’éco et socio-conditionnalité et en évaluant partout l’impact de ces politiques.

Toutes ces actions doivent nous permettre de relocaliser notre économie au plus près des besoins des rhonalpins, construire des filières de formation et d’emplois permettant d’offrir des alternatives à la fuite en avant perpétuelle et insensée de l’économie marchande mal régulée en retissant des liens sociaux trop souvent déchirés.

La SRDEI, rénovée avec nos contributions, comporte une partie de ces objectifs.

Mais il convient d’être plus clair en les complétant avec notre amendement pour accélérer la conversion de l’économie et la mutation de notre société vers un monde plus coopératif, avec une plus grande cohésion sociale assise sur une lutte renforcée contre les inégalités de toutes natures.

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