Révolutions dans le monde arabe : POUR DES PARTENARIATS INTERNATIONAUX À L’ÉCOUTE DES PEUPLES

À l’attention de M. Jean-Jack Queyranne,

Président du Conseil régional Rhône-Alpes
Charbonnières-les-Bains, le 24 février 2011

Monsieur le Président,

Ce qui se passe depuis quelques mois en Afrique du Nord et au Moyen-Orient représente une rupture spectaculaire dans l’histoire de ces 50 dernières années. La rupture ne tient pas seulement dans l’effondrement de régimes autoritaires et la déroute de quelques despotes réputés inamovibles. Il en va aussi de la vision que les peuples du nord de la Méditerranée se faisaient de leurs voisins de la rive sud. Combien de fois ne nous a-t-on pas présenté les peuples de ces régions comme définitivement éloignés de nos aspirations,
acceptant passivement l’alternative entre obscurantisme islamiste et autoritarisme ? Nous observons une génération ouverte sur le monde, réclamant des institutions démocratiques, le droit à une vie décente, une juste répartition des richesses nationales et le respect des libertés fondamentales. De Bahreïn au Maroc en passant par le Yémen, la Jordanie, l’Egypte, la Libye et la Tunisie, pas un pays de la région qui ne soit secoué par cette soif de liberté et de démocratie.

Nous ne pouvons que nous réjouir de ces révolutions citoyennes, mais nous n’oublions pas les lourdes responsabilités de nos dirigeants politiques et économiques qui, durant des décennies, ont soutenu des régimes policiers et corrompus.

Au nom d’intérêts stratégiques et économiques à courte vue, au nom de la realpolitik, tous les gouvernements français – gauche et droite confondues – ont accueilli, protégé, supporté des dictateurs comme Ben Ali ou Moubarak. On se souvient encore de Mouammar Kadhafi reçu avec tous les honneurs par Nicolas Sarkozy, allant jusqu’à planter sa tente dans le jardin de l’hôtel Marigny. Aujourd’hui encore, la France continue de soutenir, de par le monde, des gouvernements peu soucieux de démocratie et de justice sociale.

Cette situation doit nous interpeller, non seulement comme citoyens, mais surtout comme élu(e)s d’une collectivité territoriale menant, depuis longtemps, une politique en faveur du développement économique international et de la coopération décentralisée. A l’aune de ce qui vient de se passer en Tunisie et en Égypte, des manifestations populaires qui se déroulent actuellement en Algérie, au Maroc et en Libye, la Région Rhône-Alpes doit-elle
continuer à financer des actions économiques en direction de monarchies autoritaires comme le Maroc, ou de régimes à parti unique comme la Chine ? Et si oui, à quelles conditions ? Comment promouvoir le droit des peuples à vivre dans la dignité et la liberté, lorsque le développement économique est scandaleusement inégalitaire, indifférent aux aspirations démocratiques ? Un développement économique peut-il s’appuyer sur la privatisation de la vie, des services publics et des biens communs comme l’eau, les semences ou les ressources minérales ?

S’agissant de la Tunisie, la nouvelle étape qui s’ouvre doit permettre d’envisager un avenir favorable au renforcement et à l’extension des relations d’amitié, avec la perspective de l’établissement d’une véritable démocratie. Elle doit permettre l’engagement de nouvelles actions de coopération décentralisée, tout particulièrement avec le gouvernorat de Monastir avec qui la Région Rhône-Alpes est liée depuis 2000.

Les révolutions citoyennes qui se déroulent actuellement et se propagent dans les pays du Sud sont pour nous une leçon et une formidable source d’espérance. Rien ne serait plus désastreux que de rester sourd à ce qu’elles questionnent dans notre action à l’international.

En conséquence, et sans remettre en question les efforts déjà accomplis par la Région, nous demandons que soit engagé un travail de réévaluation de nos politiques actuelles, qu’elles concernent la promotion à l’export, l’attraction des investissements étrangers ou la coopération au développement. Ce travail devra être conduit par la commission « Europe, Relations et Solidarités internationales » et les autres commissions intéressées, en lien avec les vice-présidents concernés.

Le groupe des élus Europe Ecologie – Les Verts à la région Rhône-Alpes

Les membres de la commission n°14 « Europe, Relations et Solidarités internationales » :
Fatiha Benahmed
Alain Coulombel
Marie-Noëlle Fréry
Catherine Herbertz
Belkacem Lounes
Jacques Mercier
Étienne Tête, Vice-président de la commission

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