Décentraliser la loi Littoral ? Attention danger
Les mauvais coups à l’environnement se font toujours en période d’été, la proposition faite le 1er juillet par 13 sénateurs de « décentraliser » la loi Littoral n’y déroge pas.
Par Claude Comet, conseillère déléguée au tourisme et à la montagne
Il y a presque 30 ans (janvier 1986), la Loi Littoral, votée à l’unanimité, posait – pour la première fois – un acte fort de préservation du littoral. Le littoral maritime bien sûr, mais aussi le littoral des grands lacs intérieurs, dont ceux du Bourget, d’Annecy ou du lac Léman. Certes, une loi n’est jamais parfaite. Elle peut avoir des carences ou des excès, ou ne répondre qu’imparfaitement à son objet initial. La loi Littoral n’échappe pas à la règle. Et son application n’a pas toujoursempêché le bétonnage de nos rivages, lacustres ou maritimes. Mais au moins elle existe et est reconnue. Et elle a donné vie au Conservatoire du littoral dont l’action a permis de sauver des sites d’exception sur tous les rivages français.
Aussi, dans le contexte actuel de fortes pressions du lobby de l’immobilier, faut-il regarder avec une extrême prudence l’initiative prise par 13 sénateurs de déposer un projet de loi visant à en décentraliser l’interprétation et l’application. Il s’agirait en effet, comme le précise leur proposition de loi, de confier aux Conseils régionaux le soin d’élaborer des « chartes régionales d’aménagement », à leur initiative ou à l’initiative d’au moins 30 % des communes littorales de la Région. Ces chartes seraient des documents prescriptifs qui s’imposeraient aux SCOT comme aux PLU.
Les littoraux, des territoires « finis »
Bien sûr, les élus régionaux que nous sommes demandent depuis longtemps que les Régions puissent être dotées de pouvoirs prescriptifs, notamment en matière d’aménagement du territoire. Sauf que dans ce cas, il ne s’agit plus d’aménagement mais de bétonnage. Tous les rivages – ou presque – sont soumis à des pressions foncières invraisemblables. De la place il n’en reste plus ! Toute nouvelle initiative réglementaire – qu’elle soit locale ou régionale – viserait forcément à libérer encore de l’espace. Or les littoraux sont des territoires finis qu’on ne peut pas étirer comme des élastiques ! Il convient donc avant tout nouvelle réflexion d’aménagement, de protéger et de restaurer.
La réalité, c’est que même incomplète, la loi Littoral, en instaurant une inconstructibilité large et durable des littoraux, a permis d’amorcer des changements profonds et impérieux. D’abord en montrant qu’il était temps de stopper la dégradation de paysages déjà bien abîmés, et d’autre part en obligeant les élus à penser leur territoire dans l’épaisseur. Le blocage du foncier littoral a souvent permis le brassage urbain vers des arrières pays. Une manière au fond efficace de rééquilibrer des territoires qui sans ces contraintes n’y seraient pas parvenus par eux-mêmes.
Dans son esprit, la loi Montagne de 1985 aurait du, elle aussi, protéger la montagne du bétonnage. Si elle n’y est pas parvenue c’est parce qu’au fil de son histoire elle a été progressivement « détricotée » par les législateurs. Ainsi les commissions UTN (unités touristiques nouvelles) pilotées par des élus locaux, n’ont empêché aucune dérive et partout ont autorisé la multiplication d’équipements sans jamais en faire le compte et sans réellement envisager l’impact paysager et environnemental de ces équipements, au seul prétexte de l’intérêt économique.
II serait intolérable que, sous prétexte de décentralisation, la loi Littoral prenne le même chemin.