Réforme ferroviaire : Le compte n’y est pas pour le report modal
Vendredi 20 juin 2014, l’assemblée régionale a débattu du projet de réforme ferroviaire alors en discussion au Parlement. Chaque groupe politique a pu donner son avis, dans une ambiance « réchauffée » par la présence dans les travées du public d’une délégation de cheminots grévistes. Jean-Charles Kohlhaas, au nom du groupe écologiste, a défendu une vision originale et forte de l’avenir du système ferroviaire.
Nous nous félicitons de la réunification fonctionnelle de toutes les équipes en charge de la maintenance, du développement et de la gestion du trafic sur le réseau ferré, au travers du futur établissement public SNCF Réseau. Voilà qui devrait mettre un terme aux procédures kafkaïennes d’aujourd’hui.
Nous défendons le principe d’une convention collective nationale du transport ferroviaire, pour que les standards sociaux du secteur ne soient pas sacrifiés sur l’autel de la chasse aveugle aux coûts.
Car les véritables gisements de productivité du système ferroviaire ne résident pas dans le dumping social. Ils ne se situent pas plus dans les suppressions de postes au contact des usagers et dans les équipes de réserve, une stratégie à la petite semaine dans laquelle s’obstine la direction de la SNCF depuis plus de dix ans. Encore 1400 équivalents temps plein supprimés cette année, en particulier aux guichets et dans les boutiques hors gares ! Qui croira que l’on peut remplacer partout les hommes par des écrans sans nuire à la qualité du service rendu ?
Pour les conseillers régionaux écologistes, une véritable rationalisation du modèle économique du transport ferroviaire suppose quatre inflexions stratégiques :
- L’accélération du Grand Plan de Modernisation du Réseau, avec la rénovation des voies existantes, la suppression des « ralentissements », l’amélioration de la signalisation… Dans toutes les régions (et pas seulement en Ile de France) la fiabilité et la sécurité des circulations du quotidien sont les priorités absolues, loin devant l’ouverture de nouvelles LGV…
- L’adoption, pour les relations moyennes-longue distance, d’un nouveau concept de desserte, le « train à haut niveau de service », que les élus écologistes s’attachent à promouvoir : www.destrainspourtous.fr ;
- Le redressement du fret, engoncé dans une spirale mortifère de régression depuis 2002 ; cela suppose de développer la mixité des usages sur le réseau, source de rentabilité pour les sections de ligne nouvelle et de créer des opérateurs ferroviaires de proximité en Rhône-Alpes, puisque le groupe SNCF ne semble plus compter que sur sa filiale routière Geodis pour le fret diffus ;
- Le renforcement du rôle d’autorité organisatrice des Régions, qui doivent pouvoir gérer en direct les lignes délaissées par RFF et l’État (lignes à faible trafic, lignes périurbaines) et les exploiter selon des normes plus adaptées ; aujourd’hui tout se passe comme si les standards, les règles du réseau ferré national s’appliquaient de la même façon à une infrastructure de tram-train périurbain ou de desserte locale, qu’à une ligne supportant des trains « grandes lignes » et du fret lourd.
Ces évolutions peuvent permettre de réduire significativement le coût de l’offre supplémentaire de desserte, donc d’aller chercher de nouvelles recettes commerciales et de réinstaller le transport ferroviaire dans une dynamique vertueuse.
Pour autant, ces propositions ne règlent pas la question du soutien financier public, qui ne saurait rester en l’état si le Gouvernement escompte un minimum de crédibilité pour ses ambitions répétées en matière de report modal. Cela suppose que l’État :
- déleste le futur établissement public SNCF Réseau d’une partie de la dette qui l’étouffe (33,7 milliards d’€ fin 2013, notamment hérités de la construction des LGV) ;
- ne déserte pas les nombreux investissements en souffrance, comme l’élaboration en cours du contrat de plan État-Région 2014-2020 le laisse penser (faute d’éco-redevance / écotaxe poids lourds, 0€ d’engagés sur l’année 2014) ;
- dote les Régions d’une ressource pérenne (versement-transport) pour accompagner l’essor de leur service TER, la dynamique d’offre et de fréquentation sollicitant forcément les budgets publics.
Les esprits libéraux seront chagrins face au besoin de subvention du transport ferroviaire. Ils oublient que les investissements routiers sont eux financés à 100% par l’impôt, ou par des péages qui alimentent aujourd’hui en bonne partie les actionnaires de trois multinationales du BTP. Ils oublient aussi que les coûts environnementaux, sanitaires et sociaux du rail sont largement inférieurs à ceux de la route, ces derniers étant estimés à 140 milliards d’€ par an en France, pris en charge par les budgets publics et sociaux. Notre ardoise vis-à-vis de la planète ne n’effacera pas avec des euros !