Philippe Meirieu : Pour que chacun puisse « se faire œuvre de lui-même »

Alors qu’étaient inaugurés le 27 février les nouveaux locaux de la SEPR à Lyon, voici un extrait de la contribution écrite par Philippe Meirieu – vice-président de la région délégué à la formation tout au long de la vie (EELV) – à l’occasion des 150 ans de cette institution, premier centre de formation professionnelle de Rhône-Alpes.

Extrait de « Le devoir de transmettre et les moyens d’apprendre » de Philippe Meirieu :

« Saint Augustin écrivait au cinquième siècle de notre ère : « Qui donc chercherait le savoir de manière si insensée qu’il envoie son fils à l’école pour apprendre ce que pense le maître ? ». Dans un univers marqué par le pluralisme et qui voit vaciller ses certitudes les plus établies, cette question est plus que jamais d’actualité. Pourquoi envoyons-nous nos enfants à l’École ? Que voulons-nous qu’on leur transmette ? « Notre héritage n’est précédé d’aucun testament » dit René Char. Et il est vrai que nous ne savons plus très bien ce nous devons léguer à nos enfants. Parents, enseignants, experts et politiques sont incapables de s’accorder sur les finalités de l’enseignement. L’École – « l’école obligatoire pour tous » dont nous parlerons tout au long de cet exposé – est écartelée entre des fonctions multiples et contradictoires : enseigner la maîtrise des langages traditionnels et initier aux nouvelles technologies, transmettre un patrimoine et permettre la compréhension des situations contemporaines, prendre en compte les différences et garantir une culture commune, faire réussir aux examens et apprendre les règles de la vie en société, former au respect de l’environnement et à la sécurité routière, éduquer à la santé, prévenir le SIDA, informer sur les dangers des toxicomanies et bien d’autres choses encore.

Cette inflation aboutit inévitablement à une perte de légitimité des savoirs enseignés au point que les situations d’enseignement ressemblent bien souvent, et très étrangement, à des « conflits d’opinion » : le maître a une opinion, il la défend ; l’élève en a une autre ; l’un des deux doit céder dans un rapport de forces que plus rien ni personne ne semble pouvoir arbitrer. Le plus souvent, l’élève cède, mais sur un mode concessif : il consent à se plier à l’enseignant, à croire et à faire ce qu’on lui dit… tout en se réservant la possibilité de dénier la moindre valeur à ses activités scolaires dès qu’il franchira la porte de la classe. Ainsi, l’enseignement, même quand il s’effectue dans l’école publique, se joue-t-il, bien souvent, dans une enceinte et sur un registre privés… privés d’une légitimité externe et où l’enseignant doit, à chaque instant, réussir à s’imposer. S’il y a crise de l’École, elle est d’abord là. Dans cette disparition progressive de toute référence stable, de tout enjeu commun accepté par toutes les parties. Dans cette montée des situations d’affrontement – ouvertes ou sournoises – qui semble caractériser, bien plus encore que les situations de violence explicite, l’école française aujourd’hui. »

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