Hyderabad : le carnet de bord d’Alain Chabrolle
Alain Chabrolle était présent à la conférence d’Hyderabad pour la biodiversité. Il y représentait les associations françaises d’élus et de collectivités territoriales pour la biodiversité, ainsi que l’association OREE. Il nous livre son carnet de bord.
Hyderabad, Inde, Mercredi 17 octobre
« D’ores et déjà, sur 40 décisions à prendre, 30 sont quasiment actées. Un point de satisfaction concerne les aires marines. La Délégation française s’est vraiment battue pour faire avancer le sujet. Une liste de 56 aires marines couvrant le Pacifique, les Caraïbes et la Méditerranée a été incluse dans la Convention (il est demandé au Secrétaire Général de la transmettre officiellement; c’est très diplomatique…).
L’aire Atlantique Nord-Est n’est pas incluse à cause du refus de la Norvège et de l’Islande. Des points qui ne sont pas mineurs ont également été actés: ils concernent les déchets en mer, l’acidification des mers, des études d’impact en mer et la maîtrise du bruit en mer pour la protection des cétacés…
Un sujet non officiel fâche: celui du libellé des communautés indigènes autochtones qui veulent qu’il leur soit fait référence dans les textes par la mention de « peuples autochtones ». Si beaucoup de pays dont la France sont d’accord sur le principe, ils s’y opposent pour des raisons juridiques car il faudrait l’inclure dans les accords de Nagoya et ouvrir une brèche pour la renégociation du traité.
Deux sujets majeurs restent en débat: celui du budget de la Convention pour la diversité biologique (CBD) – celle-ci demande une augmentation significative que nombre de pays refuse, dont la France. Les ressources pour appliquer les accords de Nagoya sont également un sujet majeur. La France propose avec l’Allemagne un doublement jusqu’en 2020 des fonds d’aide à la biodiversité. La référence est la période 2006-2010 et concerne toutes les aides (publiques, privées, etc): refus catégorique du Japon et du Canada qui se sont vu attribuer le « dodo » de la biodiversité, un « prix » qui condamne les plus mauvais élèves de la CBD. L’Europe essaie de faire front commun.
Quelques remarques plus personnelles: l’éducation à l’environnement et au développement durable prenant en compte la défense de la biodiversité a été particulièrement mise en valeur, notamment par un side-event où ont participé Delphine Batho et la Ministre nationale de l’Environnement de l’Inde. Mme Batho a d’ailleurs annoncé dans son intervention les Assises nationales et européennes de l’EEDD à Lyon en mars prochain (elle m’a promis d’y venir!).
Deuxième point: les contributions importantes des diverses collectivités dans le cadre du Sommet « Villes pour la vie » organisé par ICLEI et nrg4SD (contribution des Régions via un document sur la thématique « nature et culture »). J’ai présenté la Déclaration commune des associations de collectivités françaises avec l’UICN et la Ville de Brest.
Devant la difficulté de faire prendre en considération les grands enjeux de la biodiversité, il est nécessaire de sortir de la stricte approche protection des espèces et des espaces par une approche beaucoup plus globale en lien avec l’aménagement du territoire, les types de production agricole, la protection des biens communs et l’approche de la valeur des services rendus par la biodiversité (à ne pas confondre avec une financiarisation ou une marchandisation…).
Les Indiens sont particulièrement accueillants et chaleureux et les échanges avec les autres pays particulièrement intéressants. »
Hyderabad, Inde, le Vendredi 19 octobre à 17h
« Les stands sont en train d’être démontés, les sessions se terminent et toujours pas de session finale. En effet, la fumée n’est toujours pas blanche. Les négociations sur les ressources et les financements, ainsi que le budget de fonctionnent de la CBD (Convention on Biological Diversity) sont toujours bloqués (Japon, Canada, …). La ministre Madame Batho, a d’or est déjà repoussé son départ car la négociation risque de se prolonger, ce soir, voire cette nuit.
A noter que suite aux sessions de ICLEI (Association mondiale des villes) et de nrg4SD (Association des Régions du Monde pour le DD), il apparaît bien que c’est sans doute localement que la protection de la biodiversité progressera grâce à l’action des collectivités territoriales locales puisque par fois, grâce aux Etats, avec la nécessité de fiscalité propre dédiée.
Toutefois quelques satisfactions :
Adoption des résolutions sur les aires marines protégés, la REDD (les enjeux de la forêt), la prise en compte des communautés autochtones et locales, les espèces exotiques envahissantes, la geo ingénierie (capture du CO2), avec un moratoire prolongé, des premiers indicateurs actés pour la déclinaison des objectifs d’Aichi, la biologie synthétique (principe de précaution acté), avec le principe de moratoire relatif à la dissémination dans la nature.