Intervention de Jacques Mercier : Agglomération franco-valdo-genevoise – Charte 2012

Monsieur le Président,
Monsieur le Vice-Président,
Mesdames, Messieurs,

Avec cette délibération vous recevez une autre image que la traditionnelle carte postale de cette zone frontalière : Genève et son jet d’eau, le Salève et son téléphérique, le Jura et ses vaches paisibles avec des clarines autour du cou …
Même s’il n’y a pas encore avis de tempête sur le lac, ça chauffe quand même dans le Genevois français.
D’abord parce que l’économie genevoise fonctionne bien.

Mais ce développement continu de l’économie genevoise est il pérenne ? Ce rapport n’y répond pas et nous serions en droit de nous interroger sur quelles bases sont calculées les projections de croissance en emplois et logements dans une économie mondialisée en constante évolution.

Ce même s’il y a des raisons objectives à cette euphorie avec l’Europe au bout du lac, la signature d’accords avantageux comme Schengen ou bilatérales, la stabilité politique du Pays et la démocratie forte qui y règne.

A quoi s’ajoute une politique fiscale avantageuses pour les entreprises holding et les Organisations internationales, des niveaux de salaires qui attirent les meilleurs (dans la banque, la recherche, les services) et alimentent la machine.

Sans oublier non plus, la qualité de vie (villes à taille humaine, verdure, lacs, montagnes), les infrastructures de communication (gares et réseau CFF complet, aéroport) et culturels de grande qualité.

Pour le moment donc le cap de la croissance est maintenu la création d’emplois est quasi permanente malgré quelques défections récentes comme Google ou Merck-Serono. Dans le même temps politiquement, l’agglo ressemble encore trop à un paquebot qui avance sans capitaine et qui avancera tant qu’il y aura son  »carburant » issu du développement de l’activité économique.
Entre une ville centre de 465 000 habitants et une conurbation équivalente, l’agglo existe pourtant au quotidien, les politiques locales de part et d’autre de la frontière ont donc au mieux dix ans de retard.

Et pourtant il n’y a pas de vrai réel projet politique, ça va trop vite malgré un premier Schéma d’agglomération mais qui n’a pas tenu toutes ses promesses avec quasi aucune réalisation forte en France.

Les enjeux sociaux, humains, environnementaux sont pourtant réels et urgents.

Tout d’abord Genève n’arrive pas à faire face en interne à son besoin de main d’œuvre, elle fait appel à des travailleurs étrangers. La présence de ces frontaliers d’origines diverses, toujours plus nombreux et leur imbrication dans l’économie et les services genevois est de plus en plus évidente.

Un exemple parmi tant d’autre est l’Hôpital Cantonal où 46 % du personnel n’est pas suisse et si 34% est français 42% du personnel vit en France. En clair 800 collaborateurs suisses ou étrangers travaillant à l’hôpital cantonal vivent en France.

Il est en de même à l’aéroport et dans les Organisations Internationales.

Ceci explique aussi sans doute certaines poussées de fièvre xénophobe dont vous avez peut être entendues parler.

Autre enjeu l’accès au logement le taux de vacance étant de seulement 0,2% et les loyers très élevés.

Corollaire de ces deux faits, cette main d’œuvre se loge où elle peut et notamment en France voisine, avec les déplacements notamment automobiles que cela induit.

La charte de Schéma d’Agglomération 2, soumise à notre vote, tente d’organiser ce qui est indispensable à la vie quotidienne des habitants (transports, logements) et de mettre une tête (GLCT gouvernance pour coordonner l’ensemble.

Dans cette charte, il faut distinguer 2 aspects :

– le 1er volet Schéma d’Agglo 2 est un outil pour bénéficier de fonds d’investissements confédéraux en provenance de Berne permettant de financer des lignes nouvelles de transport urbain et d’aménagement du territoire.

Pour bénéficier des faveurs de Berne et recevoir plus, Genève a souhaité intégrer des projets transfrontaliers structurants. Avouons qu’il serait dommage de la part de la partie française de ne pas participer à ce Schéma d’Agglomération 2 et de perdre le bénéficie ponctuel de 30 à 40% d’aide financière dans les investissements de la part de la Confédération Suisse.

Sauf que les frais de fonctionnement qui eux seront annuels resteront à la charge des collectivités françaises alors que les lignes de transport se dirigent toutes vers le centre, vers Genève.

– le 2nd volet concerne des politiques de services non financées par Berne. Le bilan du Schéma d’Agglo 1 dans ce volet passe plutôt inaperçu à part le travail global qui a été entrepris pour le recensement et la préservation des corridors écologiques dans ce territoire avant qu’il ne soit totalement urbanisé.

– Dans de nombreux autres domaines comme la santé, la formation, la culture tout reste à faire alors que c’est par une égalité de traitement que se créeront réellement les liens entre hommes et femmes habitant tous ce même bassin de vie.

Nous saluons particulièrement la création d’un forum citoyen au niveau de l’agglomération qui pourra être saisi par le GLCT « Gouvernance », en espérant que ce dernier ne s’en prive pas, surtout que ses idées et ses avis donneront des perspectives supplémentaires aux élus de cette structure décisionnelle transfrontalière.

Nous attendons aussi de cette dernière une représentativité partagée sur le long terme, que le rééquilibrage des objectifs et des financements assurent un avenir réellement partagé et solidaire.

En fait toute cette expérimentation d’un vivre ensemble transfrontalier se jouera au niveau de la gouvernance et de sa capacité de ressentir les contradictions de part et d’autre et d’y répondre…

J’exprime cependant à cepropos plusieurs craintes :

Tout d’abord ce GLCT sera de droit suisse. Ensuite, les suisses sont prévoyants et défendent âprement leurs intérêts avec l’avantage de tenir les cordons de la bourse. En tout cas, il nous faut côté français retirer les lunettes que portent beaucoup d’élus locaux et qui font croire que l’herbe est plus verte de l’autre côté ou que le territoire doit tout aux genevois même si cela est vrai aujourd’hui, cela n’a pas toujours été le cas et on ne sait pas ce que demain sera.

En second lieu la compensation financière issue d’une partie de l’imposition à la source de la masse salariale et versée aux collectivités françaises est modeste à l’échelle du canton de Genève si on la compare à ce que lui coûterait la prise en charge de tous les travailleurs s’ils habitaient sur son territoire (logement en particulier). Le canton a ainsi bien plus intérêt à payer cette quote-part qu’elle apparaît comme une manne pour les budgets locaux.

Dans ces conditions de nombreuses communes frontalières font la course aux constructions pour attirer les frontaliers rentrant ainsi dans une spirale sans fin et risquée sur le long terme.

Enfin Genève sait utiliser notre faiblesse pro routière et notre manque de coordination. Je prends l’exemple de la construction de l’autoroute entre Genève et Annecy non seulement désastreuse sur le plan environnemental mais qui a également eu pour conséquence l’amplification du transit motorisé de frontaliers, l’explosion des prix de l’immobilier sous l’effet de la demande suisse, une augmentation des épisodes de pollution atmosphérique et une perte notable de terres agricoles. La réactivation d’une voie ferrée aurait solution bien plus efficace et avec des impacts négatifs bien moindres.

Cette réflexion est la même pour la partie Ain où le prolongement du CEVA vers Gex pourrait créer un réel effet de report modal et éviter plus de trafic motorisé.

Oui pour aménager et se déplacer mais mieux, de manière écologique et avec cohérence.

Il nous faut donc, élus locaux et assemblée régionale, regarder l’avenir avec lucidité et montrer notre cohésion.

Pour conclure, notre groupe votera cette délibération moyennant plusieurs amendements et approuve l’esprit de cette Charte.
Surtout nous attendons beaucoup de la participation régionale, que nous souhaitons active, au sein du GLCT « Gouvernance » qui se mettra en place.

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