Intervention de Belkacem LOUNES pour la création d’un Conseil Consultatif de la Laïcité
M. Le Président, Chers collègues
Cette délibération que nous propose le PRG me semble être une des réponses à la montée des inquiétudes de nos concitoyens concernant la laicité et particulièrement les menaces qui pèsent sur la loi de 1905. Comme chacun peut le constater, les coups proviennent de toutes parts, y compris de ceux qui sont censés être les premiers à respecter et à promouvoir les lois, en l’occurrence le chef de l’Etat lorsqu’il dit que « la République a besoin de croyants » (pas des autres ?), des ministres, comme Michel Barnier, qui vantait lorsqu’il était ministre des affaires étrangères « ces milliers et milliers de femmes qui portent le voile librement dans les rues françaises », certains élus qui laissent entendre de manière aussi démagogique que dangereuse que des lieux de culte pourraient être financés par des fonds publics et que le religieux pourrait redevenir une affaire d’Etat lorsque la loi en fait une chose privée, personnelle.
Les attaques contre la laicité proviennent aussi de certains chefs religieux mais surtout de groupes fondamentalistes dont les visées sont clairement de soumettre le monde à leur idéologie. En tant qu’élus, nous avons à être à l’écoute de nos concitoyens. Et ils sont de plus en plus nombreux à être inquiets de certaines dérives communautaristes qui osent et s’imposent dans les espaces publics. Avec fracas ou subrepticement, le religieux revient avec insistance pour investir la rue, les administrations et même l’école. Dans les classes, les cours de récréation ou les cantines, les enfants sont l’objet de ce que j’appelle le « forçage identitaire ». Et l’instituteur, cet éveilleur des consciences, détrôné d’un revers de phrase malheureuse par M. Sarkozy au profit du curé, sentant la menace des nouveaux censeurs qui sévissent dans les quartiers, pas soutenu ni préparé à ce combat, capitule sagement en ouvrant la liste des sujets tabous, à ne plus aborder pendant les cours, ce qui est le comble suprême pour celui dont la fonction première est de former à la curiosité. Et ainsi, va la République, à reculons… Et tant que cette République manifestera ses états d’âme, plus elle hésitera, plus elle s’interrogera sur le bien fondé ou non de ses valeurs, plus elle offrira des brèches dans lesquelles s’engouffrent joyeusement, non furieusement, ceux qui sont forts de leurs certitudes, pour nous préparer des lendemains qui ne chantent pas et où même la musique serait interdite ! Paradoxalement, c’est au nom de la liberté qu’ils font reculer les libertés chèrement acquises par des générations de militant-e-s des droits de l’homme et des libertés. Alors il me semble que, quelles soient le fait de telle ou telle religion, nous devons réaffirmer solennellement que les remises en cause de nos libertés individuelles et collectives sont tout simplement inacceptables! Et nous devons mobiliser tous les instruments possibles pour que chacun puisse pratiquer sa spiritualité – je dis bien spiritualité – librement mais en respectant scrupuleusement celle des autres. De même qu’il est essentiel d’exiger que toute religion soit délestée de ses dogmes et qu’elle soit tolérante, ouverte, laïque, respectueuse de la diversité et des libertés. Quels que soient leur habillage et leur motivation, les pratiques archaïques et obscurantistes attentatoires aux droits humains doivent être sévèrement combattues.
La République doit rester résolument et courageusement ferme sur la protection de nos principes et valeurs tels que la mixité, l’égalité homme/femme, la liberté d’avoir ou de ne pas avoir une religion et éventuellement d’en changer. N’oublions jamais qu’il s’agit là d’acquis de 15 siècles de combats de libres penseurs et d’humanistes pour un idéal humain à parfaire certes, mais en aucun cas à déconstruire. Nous n’en avons pas le droit, eu égard aux sacrifices de nos ainés, des aspirations à la liberté des générations à venir et à la paix sociale.
Bien sûr, il faut aussi et de toutes les manières, combattre la pauvreté et l’exclusion qui servent de terreau aux chants des sirènes intégristes. Je suis persuadé que nos concitoyens et particulièrement les plus défavorisés d’entre eux, ont davantage besoin d’avoir un emploi stable, un logements de qualité, une école émancipatrice, des loisirs, qu’un lieu de culte. Par ailleurs il y a également un besoin urgent d’informer et de former les citoyens notamment les jeunes et aussi et surtout les décideurs à tous les niveaux, aux questions de religion, de culture et de laicité. Il y a encore trop d’ignorance, de préjugés négatifs et de clichés qui entretiennent la distance, la méfiance et qui se traduisent par des replis sur soi et des politiques publiques inadaptées. Qui sait par exemple en France qu’on peut s’appeler Fatima ou Mohamed sans être musulman ? Il faudra cesser un jour de renvoyer un citoyen français à sa prétendue religion au seul prétexte de son patronyme, de l’origine de ses parents ou grands parents.
La laicité, mot d’origine grecque (laos) qui signifie l’unité d’une population est synonyme du bien vivre ensemble. De ce fait elle nous est précieuse car elle défend les intérêts supérieurs de la société. De ce fait, on ne la sert pas en en faisant un objet politicien. Elle appartient à tous mais à personne en particulier et c’est un devoir pour chacun de nous, élu, responsable et citoyen, de la défendre avec force et conviction. C’est une question de survie de notre modèle sociétal, qui n’est pasparfait, mais que beaucoup nous envient au fond d’eux-mêmes, même s’ils le critiquent.
En conclusion, pour nous, le Conseil Régional Consultatif de la laicité est le bienvenu. Il viendra compléter la panoplie d’instruments afin de renforcer la promotion de la loi de 1905 et de l’esprit républicain de notre pays. Je vous remercie