Intervention de Véronique Rousselle sur la délibération agricole

Monsieur le Président, chers collègues,

1)      Monsieur le Vice-président à l’agriculture et au développement rural…

On pourrait rajouter « à l’alimentation » car c’est le corollaire évident, indissociable

S’alimenter est notre premier besoin fondamental – et pourtant…

  •  De plus en plus, sa part dans le budget des ménages baisse
  •  Dans les politiques des collectivités, elle n’a pas toujours la place qu’elle mérite

Non seulement l’agriculture a la vocation de nous nourrir mais en plus, elle offre d’immenses cadeaux à notre société

  •  elle a le pouvoir de façonner nos paysages,
  •  elle donne une identité, elle donne une culture à nos territoires,
  •  elle peut aussi, si elle fait les bons choix, contribuer à préserver la biodiversité….

A cela, on ne peut pas fixer de prix, et pourtant, les bénéfices sont très concrets

Elle contribue fortement à l’attractivité touristique des territoires,

Elle gère l’espace rural,

Elle limite l’érosion et les inondations…

Mais voilà, ces cadeaux que l’agriculture nous fait, dans certains territoires, ils ont été oubliés.

Les conséquences, nous les connaissons.

 L’agrobusiness a transformé des plaines entières en déserts céréaliers – des déserts au sens propre – à la fois désertés par la faune, la flore, et par leur population – avec des sols appauvris, lessivés…

Oui – l’agriculture est « notre bien commun ». A son égard, nous nous devons d’être respectueux et vigilants !

2) Tout cela, aujourd’hui, les Rhônalpins l’ont bien compris.

Ils ont montré massivement leur intérêt croissant pour les questions environnementales.

Ils pressentent que la mise en application d’une politique agricole écologique est vraiment créatrice d’emploi et de solidarités territoriales.

Ils constatent que l’agriculture et la santé sont extrêmement liées.

Ils le prouvent en achetant toujours plus de produits bio.

Le bio, c’est la seule filière agricole en croissance, de 10% par an depuis 1999.

Ce potentiel, il faut l’accompagner beaucoup plus que nous le faisons actuellement. C’est urgent.

C’est urgent, car le consensus scientifique est de plus en plus univoque sur les méfaits des substances chimiques dans notre environnement.

Je pense en particulier à l’eau que nous buvons et aux produits que nous mangeons.

Oui, le modèle agricole classique a montré ses limites.

Hémorragie d’agriculteurs, revenus en baisse, eaux polluées, maladies de la reproduction, allergies en augmentation…

Pourquoi la bio reste-t-elle une niche ?

Pourquoi les plus pauvres d’entre nous devraient-ils se contenter d’une alimentation de mauvaise qualité ?

Aujourd’hui, heureusement, la Région est à l’écoute de cette demande de la société civile.

Elle est à l’écoute d’agriculteurs qui donnent du sens à leur métier, et qui montrent le chemin de l’agriculture de demain.

Pour cela, nous devons aller avec eux à l’encontre des réflexes acquis par cinquante ans d’agriculture productiviste et qui souvent se résument à des habitudes techniques et des inquiétudes économiques.

3)  La région Rhône-Alpes, c’est 10 % de la population française. C’est donc un potentiel de consommation alimentaire très important.

C’est aussi un potentiel d’emplois non délocalisables.

L’agriculture est donc à la fois un poids économique et un puissant vecteur de gestion de l’espace.

La Région est donc dans le cœur de ses compétences en l’accompagnant de manière volontariste.

Europe Ecologie – Les Verts note avec satisfaction que, de manière générale, cette délibération sert cet objectif.

La concertation en commission agricole, pour présenter les orientations des trois années à venir, a été bien réelle. On aurait sans doute pu encore l’améliorer.

Il est positif aussi de constater que cette délibération s’appuie sur celle de 2005, dans laquelle les Verts avaient pesé de tout leur poids.

A l’époque, la Région s’était ainsi dotée un cadre général solide pour une politique volontariste.

Toutefois, la présente délibération nous donne un premier motif d’inquiétude dès sa première phrase.

Il y est question de réorienter cette politique.

Réorienter dans quel sens ? L’intention n’est pas claire partout.

Le paragraphe suivant semble vouloir soutenir les exportations… L’exportation, durant les dernières décennies, a été une obsession des politiques publiques qui a mutilé la souveraineté alimentaire et aggravé les crises.

Au contraire – Europe Ecologie – Les Verts défend une démarche de changement du local au global. Notre agriculture doit être orientée vers une cohérence de territoire.

Dans ce sens, le « C.A.P.E. » proposé par la délibération est sans doute le bon.

Mais de manière très opérationnelle, nous nous posons des questions sur la manière dont ce cap pourra être tenu.

u       Premièrement, pourquoi ces priorités transversales ne figurent-elles pas en pôle position au lieu d’être reléguées au 5ème paragraphe ?

u       Deuxièmement, nous avons vraisemblablement deux délibérations qui cohabiteront, celle de 2005 et celle de 2010. Elles ne sont pas structurées de la même manière. Comment les services vont-ils pouvoir s’y référer de manière croisée pour les mettre en application?

On est un peu dans le flou.

Flou sur les modes d’application des actions qui engagent pourtant notre politique…

Tout ce flou nous incite à demander que les critères d’application soient votés en assemblée plénière.

Revenons au C.A.P.E. :

Lettre C : la contractualisation. L’idée de formaliser les termes d’une sorte de « commerce équitable » est tout à fait louable.

Mais ça ne doit pas être un vœu pieux.

Nous souhaitons une contractualisation dans la durée, favorisant la bio.

D’ailleurs, la région Rhône-Alpes devra montrer l’exemple avec les lycées en signant des contrats avec leurs fournisseurs pour une alimentation bio et locale.

Les meilleurs contrats sont d’ailleurs ceux qui ne multiplient pas les intermédiaires inutiles.

Il faudra donc favoriser les circuits courts.

Lettre A : Nous avons été les premiers à prôner l’autonomie des exploitations pour l’alimentation des animaux, mais aussi par exemple pour l’énergie.

La prochaine étape de l’autonomie soit d’encourager les producteurs de produits AOC à  refuser les OGM, notamment dans l’alimentation animale.

C’est dans cette optique que nos prédécesseurs Verts ont rapproché au niveau européen les deux réseaux de régions : l’association Arepo et le Free GMO network.

Il serait dommage que la région Rhône-Alpes soit en retrait sur ce point.

Je tiens aussi à préciser ce que signifie pour nous l’autonomie énergétique. La «  bioénergie », pour nous, doit être tirée de la biomasse, de l’éolien ou du solaire, en tous cas pas des agro carburants.

Lettre P : La proximité est, bien sûr un axe important pour Europe Ecologie – Les Verts.

C’est bien sûr un souci écologique de réduction des déplacements de marchandises.

Mais l’enjeu est surtout dans le rapprochement et la création de lien entre le producteur et le consommateur.

Dans cette logique de proximité, la politique régionale doit avoir le souci de s’adapter à chaque situation.

Par exemple, les besoins de gestion de la forêt méditerranéenne de Drôme-Ardèche ne ressemblent pas à ceux des forêts des massifs alpins. Ils nécessitent d’autres outils.

Autre exemple, nous sommes en accord total avec le fait de soutenir des outils locaux nécessaires  à certaines filières comme les abattoirs de proximité qui permettent à l’élevage local de conserver sa spécificité.

Dans cette logique les PSADER sont l’instance privilégiée de la déclinaison locale de la politique régionale. Ce sont des outils à consolider.

En revanche, ce paragraphe sur la proximité présente pour nous un défaut : sa rédaction mélange les termes de proximité avec celle de circuits courts et celle de qualité.

Ce brouillard de notions différentes fait que nous serons extrêmement vigilants sur les délibérations d’application de cette priorité transversale.

Vous avez fait allusion à la création d’une marque qui pourrait s’appeler « produit en Rhône-Alpes ».

Cette démarche engagerait notre institution dans son ensemble sur des produits.

Vous n’avez pas spécifié si cette marque attesterait du respect d’un cahier des charges précis sur la qualité ou le respect de l’environnement. Si Rhône-Alpes devait engager son nom sur des produits de provenance non prouvée ou de mauvaise qualité, cela pourrait discréditer toute la région, territoire et institution confondus.

Pour le consommateur, cette démarche risque de devenir un facteur de confusion et non de cohésion. Nous serons donc particulièrement attentifs et combatifs sur sa mise en place.

Enfin la lettre E : l’éco responsabilité. Nous apprécions que cette notion soit citée comme priorité transversale.

Notre groupe aurait préféré le terme d’éco-conditionnalité qui aurait permis d’affirmer une politique claire en ces temps de budget contraint.

L’agriculture est en interaction avec les trois grandes crises environnementales : la santé, la biodiversité et le climat.

Pour nous il n’y a pas d’éco responsabilité sans prioriser l’agriculture biologique en Rhône-Alpes.

L’agriculture biologique, c’est une approche diversifiée et respectueuse du vivant.

C’est une capacité prouvée à créer plus d’emplois.

C’est un savoir-faire de pionnier et innovant et par la demande sociétale de ses produits.

L’agriculture biologique rassemble la plupart des critères d’écoresponsabilité.

Elle protège les écosystèmes, les auxiliaires, les abeilles et la biodiversité.

Elle permet de prévenir les pollutions de l’eau plutôt que d’avoir à les traiter a posteriori.

Nos sols, notre santé et nos territoires ruraux en sortent gagnants.

Ne nous contentons pas des 2000 agriculteurs actuels. Il faut aller plus loin.

Innovation, recherches techniques et économiques, formation, conseils, devront être tourné systématiquement vers les filières d’agriculture biologique.

Monsieur le vice-président, nous vous remercions de la construction, avec les services de la Région, de cette délibération, et nous vous félicitons de tout ce qui a été mis en place. Nous mettrons toute notre énergie pour construire, en concertation, une agriculture vivante.

Je vous remercie.

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