Pour un désinvestissement du secteur des énergies fossiles

L’exploitation des gisements considérables d’énergies fossiles encore contenus dans le sous-sol de la planète rendrait vaines toutes les politiques de lutte contre les dérèglements climatiques en cours. C’est pour cela que les élus EELV ont demandé à ce que le Conseil régional s’associe à la campagne internationale en faveur d’un désinvestissement du secteur des énergies fossiles.

Si dans la presse le président Queyranne souhaite une révolution écologique en Rhône-Alpes, dans les faits le groupe PS est beaucoup plus timide lorsqu’il s’agit de passer aux actes. En effet, l’ensemble du groupe socialiste s’est abstenu sur ce voeu. Alors que la Région accueille le sommet Climat et Territoires dans le cadre de la COP 21, les grandes déclarations sur l’engagement des Régions dans la réduction des gaz à effets de serre vont pleuvoir. On peut douter d’une réelle volonté de certains élus à s’engager vers une économie décarbonée. Le groupe Front de Gauche ayant voté pour, la droite et le FN ne participant pas au vote, ce vœu a néanmoins pu être adopté.

Texte du voeu :

Pour un désinvestissement du secteur des énergies fossiles

En décembre 2015 doit se tenir à Paris la 21ème « COP », ou conférence des parties de la convention-cadre des Nations Unies sur le changement climatique[1]. À cette occasion, 192 États tenteront de s’accorder sur des engagements de réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre, pour éviter que le réchauffement planétaire en cours ne dépasse les 2°c en 2100. Ce seuil est jugé critique par la communauté scientifique pour prévenir les dérèglements climatiques les plus graves.

Faute de susciter jusqu’ici une mobilisation à la hauteur du défi, la problématique est bien connue. Ce qui l’est moins, c’est que les gisements d’énergies fossiles, exploités ou en passe de l’être, représentent au moins cinq fois le niveau d’émissions à ne pas dépasser si nous souhaitons rester sous la barre des +2°C. Ce calcul a été établi par l’organisation non gouvernementale britannique « Carbon Tracker Initiative » (www.carbontracker.org), qui évalue à près de 3000 gigatonnes d’émissions de CO2 potentielles le stock de combustibles fossiles encore enfouis. L’estimation ne souffre pas de contestation : certains travaux récemment publiés par la revue Nature sont d’ailleurs beaucoup plus pessimistes, évoquant un stock total de 11 000 gigatonnes d’émissions potentielles (gisements exploités, en passe de l’être, ou simplement identifiés).

Les entreprises du secteur de l’extraction et de la combustion des énergies fossiles sont donc assises sur une véritable bombe climatique. La « Carbon Tracker Initiative » a identifié les 200 entreprises principales de ce secteur, qui possèdent les plus grandes réserves de charbon, de gaz et de pétrole, mesurées non pas en volume mais à l’aune des émissions potentiellement émises si ces réserves étaient extraites. Ces entreprises cherchent sans surprise à développer leurs activités, avec parfois de timides tentatives de réorientation de leurs investissements. Ce qui est plus surprenant, c’est que des banques, des institutions ou encore des collectivités locales continuent d’y placer de l’argent – autrement dit s’enrichissent en détruisant le climat, via les actions et obligations émises par le secteur des énergies fossiles.

Depuis l’an dernier une initiative internationale, « Désinvestissons les énergies fossiles » (www.350.org), prend de l’ampleur. Elle encourage les institutions, publiques et privées, à adopter une stratégie d’investissement socialement et écologiquement responsable, en retirant leurs placements dans le capital ou les produits financiers des 200 entreprises principales du secteur. Les 13 et 14 février 2015 ont ainsi eu lieu les premières « journées mondiales du désinvestissement dans les énergies fossile ». Plus de 230 villes, universités, musées et autres institutions se sont d’ores et déjà engagés dans la démarche, à l’instar des villes de Paris, San Francisco, ou encore de l’université d’Oxford. Au début du mois de juin, le parlement norvégien a voté en faveur d’une réorientation des investissements du fonds souverain du pays, le premier au monde (près de 800 milliards d’euros d’actifs). Le fonds se retire de toute entreprise ou banque exerçant une activité en lien avec l’extraction ou la production d’énergie à partir du charbon.

La France n’est pas à la pointe de ce mouvement, mais elle peut le renforcer. Ainsi, le « Fonds de réserve pour les retraites », 34 milliards d’euros d’actifs, donne un bien mauvais exemple. Créé par l’État en 2001, dans l’objectif de financer dans la durée les retraites des salariés, ce fonds est hébergé par la Caisse des dépôts et consignations, sous le contrôle d’un conseil de surveillance composé de parlementaires et de représentants syndicaux et patronaux. Or, tout en affichant une stratégie d’investissement « responsable » et « prenant en compte des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance », ce fonds a placé des centaines de millions d’euros et détient donc des investissements directs dans 60 des 100 premières entreprises mondiales du secteur pétrolier et gazier, et 21 des 100 premières entreprises mondiales de charbon. Il est grand temps de réorienter ces placements, afin que les pensions des actifs d’aujourd’hui ne soient pas financés à crédit sur le climat dont bénéficieront les générations futures.

De même, la Caisse des dépôts et consignations, hébergeur du fonds et gestionnaire de nombreux instruments d’épargne et de financement des acteurs publics, ainsi que la Banque publique d’investissement, actrice publique majeure du financement de l’économie française, pourraient envoyer un puissant signal en se retirant du secteur des énergies fossiles, et donc du financement direct ou indirect des 200 entreprises de ce secteur. L’exemplarité des acteurs publics doit également concerner les organismes proposant une retraite par capitalisation aux élus locaux (Fonpel, Carel…) ou aux agents de la fonction publique territoriale (Préfon, Régime additionnel de la fonction publique…). Le Conseil régional peut légitimement demander à ce que les cotisations de ses élus et de ses agents soient placées dans des actifs n’aggravant pas le réchauffement climatique.

Par ailleurs, le 4 février dernier, le Gouvernement a ré-annoncé la suppression prochaine de toute assurance-crédit à l’export des centrales charbon. La mesure est inscrite sur la feuille de route de la 3ème conférence environnementale. Il est grand temps de la mettre en œuvre au niveau national, et d’en plaider l’élargissement au niveau européen, puis international.

Vœu :

 L’exploitation des gisements considérables d’énergies fossiles encore contenus dans le sous-sol de la planète rendrait vaines toutes les politiques de lutte contre les dérèglements climatiques en cours. Conscient de cette totale incompatibilité, le Conseil régional s’associe à la campagne internationale en faveur d’un désinvestissement du secteur des énergies fossiles et demande :

  • au Gouvernement, garant du bon fonctionnement du fonds de réserve pour les retraites, de renoncer aux placements de ce fonds dans le capital ou les produits financiers des entreprises du secteur des énergies fossiles ;
  • à la Caisse des Dépôts, hébergeur du fonds, et à la Banque publique d’investissement, de renoncer à toute participation dans les projets favorisant l’extraction et/ou la production d’énergie à base de combustibles fossiles ;
  • aux organismes proposant une retraite par capitalisation aux élus locaux ou aux agents de la fonction publique territoriale, de renoncer à tout placement dans le capital ou les produits financiers des entreprises du secteur des énergies fossiles ;
  • au Gouvernement, de confirmer ses engagements sur la suppression de toute assurance-crédit à l’export de centrales électriques au charbon.

 Le Conseil régional facilitera et aidera à faire connaître toutes les initiatives en ce sens.

[1] Convention adoptée lors du sommet de la Terre de Rio, en 1992.

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