Micro-hydraulique : il y a urgence à changer de braquet

Le 22 janvier 2013 5 élus EELV du Conseil régional Rhône-Alpes (Alexandra Cusey, Eric Piolle, Benoit Leclair, Olivier Longeon, Pierre Mériaux) sont allés rendre visite en Savoie à des producteurs d’énergies renouvelables, sur le site d’une micro-centrale hydraulique.

Par Pierre Mériaux 

Le but de cette visite de terrain était de mieux appréhender les problèmes rencontrés par ces producteurs, dans la perspective du débat sur la transition énergétique qui s’engage.

Et bien nous n’avons pas été déçus… car la liste des problèmes était conséquente !

Ces obstacles divers sont affrontés avec beaucoup de détermination par les entrepreneurs ou jeunes ingénieurs motivés que nous avons rencontré. Mais ce n’est pas une raison pour que le politique n’exerce pas son pouvoir d’orienter les choix dans le bon sens en cherchant à lever les obstacles au développement des énergies renouvelables. Celles-ci sont intrinsèquement vertueuses car non dangereuses, ont un bon rendement carbone, et créent beaucoup plus d’emplois locaux et non délocalisables que le nucléaire. 

Les obstacles

Les obstacles au développement du photovoltaïque : le prix de rachat variable puis trop haut a créé une  bulle spéculative avec  EDF Energies Nouvelles d’où un moratoire brutal décidé par Sarkozy en fin 2010 cassant le marché et détruisant + 10 000 emplois. 

Les obstacles de l’éolien : lourdeur des dossiers de permis et recours entrainent un délai de 8 ans avant production. 

Si les problèmes que rencontrent le photovoltaïque ou l’éolien sont connus, ceux rencontrés par le mini ou micro-hydraulique méritent qu’on s’y attarde. 

Rappelons d’abord que la France s’est engagée à produire 30 à 35 % de son électricité en énergies renouvelables en 2020 pour pouvoir tenir les 23% dans la production totale d’énergie.

Le saut est donc immense car nous partons d’un mix électrique à 84% de nucléaire pour 8,3% d’énergies renouvelables (dont 4,6 % d’hydraulique) et 6,8% de centrales thermiques. 

De plus, le prix de marché actuel est pénalisant pour l’hydraulique : 4 centimes le KWh contre 12,89  le prix du KWh vendu par EDF. 

Mais ce handicap tarifaire n’est que la partie la plus visible de l’iceberg des obstacles listés par nos interlocuteurs. Parmis eux, Jean Cayrol, professionnel reconnu de la micro-hydraulique, exploitant une quinzaine de concessions et ex représentant national de la profession nous a fait part d’autres problèmes :

– L’interprétation bureaucratique des directives européennes de protection de l’eau par les services chargés de protéger cette ressource (ONEMA et agence de l’eau financés par une redevance de 5% captant 108 M€ par an) avec un classement désormais très pénalisant de 20% des cours d’eau (contre 1 à 5 % avant) interdits à tout aménagement Hydraulique.  Pourtant les passes à poissons marchent bien et sont installées sur toute installation neuve ou rénovées.

– Suppression de facto de l’obligation d’achat avec la loi NOME (Nouvelle Organisation du Marché de l’Électricité), sauf à investir des sommes impossibles à amortir.

– Tarif dégressif avec effets de seuil incitant de fait à baisser la puissance des installations en dessous de 400 KW.

– Augmentation des débits réservés des cours d’eau turbinés avec un écart inexplicable entre les concessions EDF (5-6%  de la ressource) et la micro hydraulique qui se voit imposer 10 à 15 %.

– Instruction très longue des dossiers de demande d’autorisation d’exploiter un site : 5 à 10 ans. Avec un droit de recours des tiers ouvert au-delà de la période de construction pendant 4 ans alors que les exploitants ont eux 2 ans pour installer après l’obtention d’un permis.

– Multiples hausses de fiscalité, plus fortes que les hausses de tarifs.

– Faute de marché suffisant disparition de savoir faire techniques précieux chez les turbiniers (fabricants des turbines dont le rendement est excellent, 90%) 

Les solutions

Les producteurs réclament donc une série de mesures pour pouvoir lutter à armes égales avec EDF et la CNR :

– publication des débits réservés sur tous les sites, des aides et modes de calculs

– suppression des textes d’abus de positions dominantes ou restauration de l’obligation d’achat avec suppression du programme d’investissement de la loi NOME

– dialogue avec les agences de l’eau sur les débits, mesures techniques, amélioration des délais de traitement des dossiers

– augmenter l’aide CSPE (Contribution au service public de l’électricité) à la micro hydraulique. Actuellement celle-ci est 400 fois inférieure à celle d’un toit photovoltaïque. Pour cela on doit prendre en compte les économies générées pour EDF par ce mode de production  décentralisé, en proximité des consommateurs et sans variation (pas de besoin de lignes longues).

 Le bilan est clair : sans « changer de braquet », la France qui était une « grande nation » hydraulique, avec 2000 installations dont 1700 petites, produisant 60 TW/h pour 25 GW installés, ne pourra pas atteindre ses objectifs. 

En effet il faudrait créer plus de 1500 micro installations et 30 grandes avant 2020 si on veut atteindre les objectifs. Or le délai de traitement administratif est de l’ordre de 10 ans et actuellement il n’y a quasiment pas de dossiers nouveaux en cours d’instruction. La nasse est donc fermée. A nous tous de trouver les moyens de la rouvrir dans le cadre du débat sur la transition énergétique, en préservant la ressource en eau bien sur mais aussi en permettant de sortir des énergies « fossiles et faciles » et du danger nucléaire.

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