Au bonheur de la montagne… la Charte de la Vanoise

Le lagopède, le bouquetin, l’aigle royal et l’edelweiss ; aujourd’hui de retour, le gypaète barbu et notre ami le loup – les plus beaux animaux que l’évolution ait inventés ! Le parc national de la Vanoise a été créé en 1963. Il aura 50 ans l’an prochain… Le bel âge ? Peut-être plutôt l’âge ingrat ! Mais il y a des raisons d’espérer.

 

Comme tous les autres parcs nationaux, celui de la Vanoise a vu son statut modifié. Son conseil d’administration a été changé : il compte désormais davantage d’élus locaux (notamment de maires de stations de ski). Son ancienne zone centrale s’appelle « cœur de parc », tandis que son ex-zone périphérique a pris le nom de « zone optimale d’adhésion ».

         Pour faire fonctionner tout cela, la loi a prévu que le conseil d’administration adopte une nouvelle Charte, accompagnée d’une carte des territoires.

         Depuis plus de deux ans, au titre de la Région, je contribue à l’élaboration du texte de la Charte.

Grosso modo, le comité scientifique du parc, les associations écologiques représentées (FRAPNA, etc.), le conseil économique et social et les écologistes réclament un texte très ambitieux pour ce qui concerne la protection des milieux naturels, le respect des terres agricoles et des alpages, la bonne gestion des ressources en eau, la limitation des envahissants projets d’urbanisme et d’extension des domaines skiables.

Grosso modo, les maires, notamment ceux des stations de sports d’hiver, voudraient profiter de l’occasion pour revenir sur des mesures de protection historiques : la pression de l’industrie de la neige et de l’immobilier qui va avec est énorme.

         Il fallait trouver un consensus – ou risquer le clash, c’est-à-dire le rejet pour longtemps de toute Charte par un grand nombre de conseils municipaux du territoire.

D’une façon que certains trouvent « trop laxiste », et d’autres « réaliste » ou « de bon sens », les écologistes ont estimé que l’essentiel était de faire voter une Charte, même insatisfaisante, afin qu’elle engage les communes.

          Le texte de la Charte

         La des plupart paragraphes, plutôt techniques ou d’intérêt général, ont rapidement fait l’objet d’un consensus. Nul n’a remis en cause le caractère intangible du cœur du parc, excepté les maires de Val-d’Isère et de Bonneval-sur-Arc, toujours cramponnés à leur idée de relier leurs domaines skiables par des remontées à travers le sanctuaire.

         Les discussions ont été plus passionnées en ce qui concerne la zone périphérique, dite aujourd’hui « zone optimale d’adhésion ».

         Les deux points d’achoppement majeurs ont été, d’une part, le texte d’orientation dont les maires des communes adhérentes voulaient faire une introduction générale ; et, d’autre part, les pages consacrées au tourisme et à l’urbanisme.

         En s’appuyant sur le rapport Giran, les maires écrivaient dans leur « introduction » et voulaient faire ressortir dans les pages « tourisme et urbanisme » (je résume…) que le parc national de la Vanoise n’était « pas aimé » par la population locale ; et que, si l’on voulait faire progresser les Tarins et les Mauriennais dans la compréhension de ses objectifs, il convenait de le transformer en une sorte de Luna Park susceptible enfin de rapporter de l’argent (je caricature…).

         Les associations de protection de la nature, le comité scientifique, le conseil économique et social, les agents du parc et moi-même (la « voix » de la Région), étions horrifiés. La situation était bloquée.

Au final, dans la zone optimale d’adhésion, les projets d’urbanisme, d’aménagement touristique en tout genre ou d’extension des domaines skiables devront (c’est la moindre des choses) être conformes aux règles générales de l’urbanisme et à la loi Montagne (PLU, UTN…) : le vœu des maires reste que la Charte ne devienne pas un texte juridique supplémentaire qui leur soit opposable.

Dans le même temps, ces nouveaux aménagements devront respecter scrupuleusement les arrêtés de biotope, les zones Natura 2000, les corridors biologiques, les réserves naturelles, etc. ; et devront aussi (même si beaucoup d’adverbes viennent perturber la règle : « principalement », « notamment », etc.) être installés dans la continuité de zones urbanisées déjà existantes.

         Les maires, qui avaient pendant des mois menacé torpiller le processus, ont d’abord annoncé qu’ils allaient s’abstenir « pour ne pas tout bloquer ». Puis ils ont voté « oui ».

         Au nom de la Région, j’ai dit que personne n’était visiblement satisfait de ce texte « arrêté », mais qu’il était le plus grand dénominateur commun de l’opinion des groupes concernés ; et qu’à ce titre, il constituait un progrès. J’ai voté pour.

         Au bout du compte, la Charte « arrêtée » a été adoptée par le Conseil d’Administration.

          Le cœur du parc

         Il reste totalement préservé. La requête des maires de Val-d’Isère et de Bonneval-sur-Arc de pouvoir y installer des remontées mécaniques a été formellement rejetée

          La cartographie

         La zone d’adhésion, elle, pose une myriade de problèmes, dont les principaux tournent, bien sûr, autour des règles d’urbanisme, des stations de ski et des espaces agricoles ou naturels que certains aimeraient voir changés en terrains constructibles ou en domaines skiables.

Il a été demandé aux municipalités de présenter un catalogue de leurs prévisions d’aménagement, de façon à en évaluer l’importance. Les maires ont « chargé la barque », en mentionnant tous les projets que les communes avaient pu élaborer depuis un demi-siècle, y compris ceux qui n’avaient aucune chance d’aboutir !

          Un peu d’espoir

         Pendant ces deux années de discussions, j’ai souvent eu le sentiment d’être revenu cinquante ans en arrière. Rajeunir constitue une agréable utopie, mais ressasser les mêmes arguments, face aux mêmes aménageurs-saccageurs, devient vite pénible.

         Pour l’ami farouche de la nature que je suis, l’état actuel du texte est insuffisant. N’importe lequel d’entre nous, écologiste ou pas, peut y relever maintes phrases qu’il n’aurait pas écrites, ou rédigées de façon différente. Le problème est que nous n’avons pas d’autre issue que de signer un document de consensus. Quiconque voudrait y toucher verrait aussitôt « les autres » bloquer l’ensemble du processus. Cela vaut dans un sens comme dans l’autre ! Or, nous avons besoin d’avancer.

         Je note tout de même que, à l’inverse de ce qui se passait il y a cinquante ans, même les maires des stations de ski comptent désormais sur « l’atout nature » de la Vanoise. Au moins leur véritable intérêt leur apparaît-il clairement…

         Mon relatif optimisme se nourrit aussi des bonnes relations qui se sont nouées entre les membres du Conseil d’Administration. L’état d’esprit est devenu plus convivial qu’il n’était lorsque j’ai repris ce dossier. Les discussions sont apaisées, globalement positives, souvent souriantes. Elles me rappellent celles du Grenelle de l’Environnement.

         J’espère que notre Charte finira de façon plus glorieuse que celui-ci : l’environnement, ça ne commence pas à bien faire ! Le parc de la Vanoise constitue un capital pour la Région Rhône-Alpes, et une fraction importante de l’avenir des Savoyards.

         Nous devons nous sentir raisonnablement heureux d’en être arrivés là. Nous améliorerons ce texte si nous continuons de nous battre pour l’edelweiss, le lagopède et le bouquetin.    

La Région doit montrer avec enthousiasme qu’elle soutient ces avancées citoyennes ; qu’elle a confiance dans la sagesse des protagonistes ; et qu’elle restera vigilante sur le sort que les Savoyards réservent à l’un des trésors naturels, non pas seulement de Rhône-Alpes, de la France et de l’Europe, mais du monde !

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