Intervention de Gwendoline Delbos-Corfield sur la SRESRI

Le dialogue sur cette SRESRI a été très appréciable. Cette capacité qui nous a été donnée de co-élaborer – en partie – cette stratégie au sein de la majorité est positive à deux titres. Au-delà des méthodes de travail qui nous ont permis de partager sereinement nos analyses, nous avons pu confronter, sur le fond, nos divergences de vision sur les questions scientifiques, et leurs corollaires : l’innovation technologique, le principe de précaution, le débat citoyen sur les choix scientifiques qui touchent la société.

 

Les écologistes sont habitués aux lieux communs sur la caverne, la bougie, et les autres absurdes contre-arguments qui nous sont si souvent opposés. C’est vrai que si nous sommes des progressistes acharnés sur les enjeux sociaux et sociétaux, nous ne cantonnons pas le progrès au progrès technologique. Loin des banalités simplistes et réductrices, dès le début et tout au long de son histoire, l’écologie politique est traversée par la pensée scientifique. En France, la figure la plus connue, René Dumont, ingénieur agronome, incarne le mieux cette communauté scientifique sachant reconnaître les limites comme les forces de toute innovation technologique. Parmi les militants, les éluEs, les penseurs écologistes, combien d’ingénieurs venus du nucléaire, combien de biologistes, combien de chercheurs et médecins, qui ayant vu au plus près les dérives de la sacralisation du progrès technologique, le défendent d’autant mieux qu’ils le défendent dans sa juste mesure.    

 

Un processus scientifique se différencie du dogme parce que justement il ne se décrète pas, il n’est pas nécessaire ou miraculeux, il se prouve utile et justifié pour un temps. Nous avons tous appris dans nos cours de philosophiques que justement est scientifique ce qui peut se démontrer par l’expérience, ce qui peut s’expliquer, ce qui peut-être être questionné. Si on ne peut pas le discuter, cela devient une croyance. Il existe une religion de la science, c’est le scientisme. Dans les années 80 et 90, la foi dans le progrès s’est parfois confondue avec le scientisme. Avec les grandes tragédies sanitaires et technologiques, il est devenu plus entendable d’interroger la science, mais, encore aujourd’hui, travailler sur ces questions amène trop souvent la polémique, dans des postures clivantes et figées de part et d’autre.

    

Nous souhaitons sortir de ces postures et engager un vrai débat sur 2 sujets sensibles :

 

Parce que les dangers éventuels d’une nouvelle technologie ou ses effets sur la société concernent tous les citoyens, la région doit créer ou susciter la création d’instances où scientifiques et citoyens pourront débattre publiquement des conséquences économiques, sociales et écologiques des diverses activités scientifiques. Les alertes liées aux crises technologiques, environnementales et sanitaires des dernières décennies nécessitent d’accompagner les évolutions scientifiques et technologiques de débats citoyens, sur des sujets aussi variés que les changements climatiques, la biodiversité, le clonage thérapeutique, les OGM, les nanotechnologies, etc., débats qui doivent avoir pour objectif de soutenir et révéler les critiques et controverses scientifiques et citoyennes sans lesquelles la recherche ne peut progresser durablement.

 

Mais ces débats citoyens doivent être organisés en amont des prises de décisions des collectivités publiques, dont la notre, pour éclairer nos choix d’élus, et non pas après les décisions essentielles – comme cela a été le cas, par exemple, avec les nanotechnologies-. Sinon ce sont des débats en opérations de communication visant à faire accepter des choix déjà faits sans connaissance de cause. De la même manière, les collectivités et les acteurs du développement scientifique et économique  instrumentalisent parfois les sciences humaines pour faire accepter les innovations technologiques.  

 

Les associations devront être encouragées à organiser ces confrontations intellectuelles afin de donner aux citoyens les clés de compréhension nécessaires. Pour les « sciences à risques », notre Collectivité doit systématiquement privilégier le principe de précaution comme elle l’a fait par exemple en soutenant le Département du Gers contre la décision de la Commission Européenne d’importer et de commercialiser du mais transgénique en Europe.

 

Le deuxième sujet qui nous a beaucoup mobilisé, c’est la question du critère de l’utilité de l’innovation. Nous considérons que c’est une nécessité pour l’institution qui donne des subventions de repenser ses critères d’aides quand il s’agit d’innovation. Nous voulons un débat sur l’utilité environnementale, sociétale et sociale, et sur l’utilité clinique de ce qui est créé à partir des subsides publiques. L’argent publique doit il permettre de produire n’importe quelle innovation même si elle est dangereuse pour l’environnement, destructrice pour les hommes, inutile mais entretenant encore de nouvelles impulsions de consommation ? Nous sommes pour l’innovation quand elle permet d’imaginer de nouvelles manières de vivre bien, quand elle trouve de nouvelles voies de guérison, quand elle sauve la biodiversité ou protège la planète.

 

Nous avons l’obligation, à gauche, pour des majorités progressistes et écologistes, de travailler ensemble sur les deux chantiers que sont la croissance et le progrès. On l’a vu au cours du travail sur ces deux stratégies, ce n’est qu’en débattant sur ces sujets, que nous serons capables d’imaginer un pacte pour une société durable et fraternelle.

 

Le progrès ne s’entend pas qu’en terme d’avancée technologique. A l’heure des enfants roms qui dorment sous tente l’hiver, à l’heure des lycées professionnels qui ne peuvent assurer leurs missions faute de professeurs, des urgences pédiatriques débordées, de la régression insupportable dans tous les domaines de la santé, à l’heure où justement toutes les formes de progrès –hormis le progrès technologique- sont remis en cause, les progrès sociaux, démocratiques, les progrès de la pensée, les évolutions de société vers plus de tolérance et de multiculturalisme, les progrès vers un tout petit peu plus d’égalité de revenus entre les citoyens, les progrès dans l’éducation, quand tous ces progrès là sont remis en cause par une violence non seulement conservatrice mais qui flirte avec des instincts encore plus régressifs, il semblerait particulièrement irresponsable de ne pas savoir trouver ensemble la manière de débattre du progrès technologique pour la construction d’un projet global de société. Nous voulons une société qui ne demande pas de choisir entre un téléphone portable de haute technicité et le droit fondamental au soin ou à l’éducation. Tous ces progrès là doivent aller ensemble.    

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