Second tube du tunnel du Fréjus : une politique de déplacements qui s’aplatit sous l’asphalte

Les travaux de percement de la seconde galerie dite « de sécurité » du tunnel du Fréjus s’achèvent. D’ici 4 ans, ce nouveau tube routier sera aménagé et prêt à accueillir voitures et camions… « Sur une seule voie dans chaque sens ! », jurent les promoteurs… qui par ailleurs misent sur un accroissement du trafic poids lourds pour rentabiliser l’investissement. Comment faire confiance à ceux qui nous juraient, hier, que cette galerie ne serait pas circulable ?  Dans un seul sens et par toutes les voies, c’est de nouveau les flux routiers qu’on renforce, répondent les élus écologistes.

En effet, comment imaginer que la Société du tunnel routier du Fréjus et son actionnaire principal, l’État, résistent longtemps à la pression des transporteurs et à l’appât de péages supplémentaires ? D’ores et déjà, en cas de problème dans le tunnel du Mont Blanc, ce sont bien les deux voies qui seront ouvertes, et les poids lourds asphyxieront deux fois plus la Maurienne.

Pour Jean-Charles Kohlhaas, président de la commission Transports au Conseil régional : « Cette priorité donnée de manière constante au transport routier est un scandale sanitaire et environnemental permanent. Dans le même temps AREA « réaménage » la traversée autoroutière de Chambéry pour 110 M€, élargit l’A43 à La Tour-du-Pin et à La Motte Servolex. Dans le même temps l’écotaxe est enterrée, les exonérations de taxes sur le diesel pour les camions sont prolongées. Dans le même temps on agite le hochet d’un méga-tunnel ferroviaire pour  « dans 20 ans », sans jamais prendre les mesures qui s’imposent pour développer le fret ferroviaire. »

Pourtant, c’est possible de mettre dès aujourd’hui les marchandises sur les rails plutôt que de se les renvoyer de vallée en vallée. C’est ce qu’ont fait les Suisses, avec une politique de report modal intelligente, basée sur une réglementation stricte du transit routier : redevance poids lourds, gestion des circulations aux passages alpins (interdiction la nuit et le week-end), subventions pour des services ferroviaires de qualité. Cette politique permet déjà de transporter 67% des marchandises par le rail sur le corridor du Gothard, ce avant même la construction d’un nouveau tunnel de base.

En Suisse aussi, les pressions sont fortes pour doubler le tunnel routier du Gothard. Mais la résistance s’organise, tout aussi vive, avec la perspective d’une votation citoyenne sur l’opportunité de ce tube, en février 2015 : www.alpeninitiative.ch/initiative-des-alpes.html.

En France, les vallées alpines sont asphyxiées. Au-delà des beaux discours, on privilégie toujours le mode routier : en autorisant les 44 tonnes sans essieu supplémentaire (400 M€ de coût annuel pour l’entretien des chaussées), par des exemptions fiscales, par des choix d’investissement comme cette deuxième galerie du Fréjus, et par le report continuel des priorités comme l’allongement de l’autoroute ferroviaire alpine, le contournement ferroviaire de l’agglomération lyonnaise ou l’installation d’une plateforme pour le fret ferroviaire à Ambérieu pour saturer enfin le tunnel actuel Lyon-Turin et désaturer les vallées alpines de leurs camions.

La politique nationale actuelle en matière de fret ferroviaire consiste à promettre la charrue sans jamais mettre les bœufs. Tout ça pour finalement choisir les camions. Les élus écologistes ne baisseront jamais les bras sur cet enjeu majeur de santé publique et de lutte contre les dérèglements climatiques.

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