Les approximations de Jean-Jack Queyranne sur le Lyon – Turin

Lors de sa rencontre avec son homologue président de la Région du Piémont, Jean-Jack Queyranne s’est fendu d’un nouvel appel à la construction d’un second tunnel pour la liaison ferroviaire Lyon – Turin. Hélas, lancé à pleine vitesse, son argumentaire a quelque peu déraillé, selon ce que rapporte Le Dauphiné Libéré (édition du 14 septembre 2014). La faute aux spécialités piémontaises du buffet ? À un conseiller qui l’aurait mal aiguillé ? Dans le doute, les élus écologistes souhaitent renforcer la signalisation pour prévenir de futurs accidents.

« Le Lyon – Turin va générer 6000 emplois en Maurienne »

En matière d’emplois créés par les grands chantiers, l’arithmétique est souple. Les CDD successifs et les emplois induits permettent disons d’arrondir les perspectives… Nous ne voudrions pas doucher l’enthousiasme de notre président, mais il faut quand même constater que le chantier du Gothard, en Suisse, un tunnel de base de gabarit et de longueur identiques au projet de la Maurienne a employé 2500 personnes (source : Le Temps, infographie en ligne, 2014). On peut faire beaucoup mieux avec 9 milliards d’euros d’argent public.

« Grâce au futur tunnel du Gothard, la Suisse va faire passer par le rail son trafic de marchandises avec l’Italie de 10% à 65%. »

Avec cette déclaration, Jean Jack Queyranne s’aventure franchement sur le terrain de la contrevérité. La part du rail sur le corridor du Saint-Gothard est déjà de 67,5%, sans le nouveau tunnel, qui n’entrera en service que fin 2016 (source : Office fédéral des transports, 1er semestre 2014).

En attendant, les trains passent par un tunnel construit en 1881, culminant à 1151 mètres d’altitude, avec pour y accéder une rampe maximale à 28 pour mille. Soit des caractéristiques très similaires au tunnel du Mont-Cenis, que les « experts » défendant le Lyon – Turin estiment trop vétuste et inexploitable (malgré une rénovation et une mise au grand gabarit inaugurée en… 2012). Question : Mais comment font les Suisses ? Pourquoi n’ont-ils pas simplement attendu leur nouveau tunnel, qui comme chacun sait dans les réunions du Comité pour la Transalpine dope soudainement le fret ferroviaire en attisant la curiosité des marchandises, impatientes de parcourir un itinéraire à 9 milliards d’€ ?

En réalité le miracle Suisse ne tient pas à la réalisation d’un nouveau tunnel. Il tient à une politique de report modal vigoureuse et volontariste, assise sur une redevance poids lourds dissuasive pour le transit routier.

Pendant ce temps, en France on réduit la pollutaxe / éco-redevance poids lourds comme peau de chagrin, on autorise la circulation des 44 tonnes, on prépare un « plan de relance autoroutier », on multiplie les chantiers de mise à 2×2 voies, contournements (comme à Chambéry) et autres « galeries de sécurité » (comme au tunnel du Fréjus) sur le reste du réseau routier. On ne finance plus les petites lignes et terminaux de fret ferroviaire, on laisse agoniser SNCF Fret. La pollution atmosphérique explose dans les vallées alpines. Mais on ne s’inquiète pas, car vers 2040 tout va s’arranger : LE SECOND TUNNEL LYON – TURIN SERA LÀ !

En Suisse, construire un second tunnel n’est devenu nécessaire que par la saturation du tunnel existant. Actuellement en France, le tunnel du Mont Cenis fonctionne à 20% de sa capacité. Alors chiche, cher Jean-Jack Queyranne, si on faisait passer la part du rail à 65% au passage du Mont-Cenis, avant de dépenser 9 milliards d’€ ? Si, en attendant de faire tourner les gros tunneliers, nous allions demander aux Suisses ce qu’est une politique de report modal, plutôt que de raconter des fadaises aux Rhônalpins ?

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