Société publique locale d’efficacité énergétique : vers une région « autorité organisatrice de l’energie ».

Intervention de Pierre Mériaux à l’assemblée plénière du 2 octobre 2012

Monsieur le président, chers collègues,

Enfin, aujourd’hui4 octobre 2012, la Région se dote d’un outil efficace pour poursuivre les objectifs ambitieux de la délibération « Action régionale en faveur du climat » d’octobre 2010. Souvenez-vous, ce jour-là nous avons placé la barre à la bonne hauteur, mais à une sacrée hauteur : -40 % d’émissions de gaz à effet de serre sur le territoire régional en 2020. Et 2020 c’est dans 8 ans…

Il est donc grand temps d’accélérer le mouvement vers la transition énergétique. Heureusement, elle s’engage maintenant avec le soutien des plus hautes autorités de l’État, clairement exprimé lors du lancement de la Conférence environnementale, les 14 et 15 septembre derniers.

Cette nouvelle impulsion ne fait pas de mal quand on voit ce qu’il était advenu de la dynamique du Grenelle de 2007, finie en en queue de poisson avec le sinistre « l’environnement, ça commence à bien faire », avec le soutien aveugle au nucléaire malgré le désastre de Fukushima, avec la destruction des filières industrielles des ENR, avec la perte de plus de 10 000 emplois et la destruction de compétences récemment acquises. La région Rhône-Alpes en a directement souffert avec le plan social chez Photowatt, avec le chômage partiel en ce moment sur le site de Bosch Vénissieux, avec le dépôt de bilan de tant d’artisans et d’installateurs. Quel gâchis, social, économique, environnemental ! Car pendant ces 5 ans le réchauffement climatique est toujours à l’œuvre, il s’est accéléré même, n’en déplaise aux « négationnistes du climat ».

Est il besoin d’insister sur l’importance de la rénovation thermique du patrimoine bâti existant ? Les logements neufs économes en énergie c’est très bien mais cela ne concerne qu’1% des logements par an. Or le défi climatique n’attendra pas un siècle. Le diagnostic fait dans le cadre du SRCAE est clair : le secteur du bâtiment c’est 40% de la consommation régionale d’énergie primaire, 28% des émissions de gaz à effets de serre. Pour l’heure, le niveau des investissements de rénovation énergétique est trop faible, et il faut constater la carence du marché en matière de rénovation globale des bâtiments. C’est pourquoi la Région se doit d’intervenir.

D’un point de vue général, il n’est plus besoin de démontrer tous les avantages d’une politique d’isolation et d’équipement EnR du patrimoine bâti, sur tous les bâtiments : logements, bureaux, commerces, usines, etc… On peut en effet gagner sur tous les tableaux : sur les émissions de GES, sur la part de budget contraint des ménages modestes, sur l’activité du secteur du bâtiment en créant des emplois non délocalisables, sur le développement des compétences dans les métiers de ce secteur, sur l’innovation et l’émergence de nouvelles filières industrielles dans le domaine des matériaux et des équipements EnR individuels.

Tracer pareille perspective en quelques phrases générales est aisé, gratifiant. Mais derrière le cercle vertueux qu’on peut admirer bien assis dans une assemblée comme la nôtre, ce sont des années et des années d’efforts quotidiens, de coordination d’une multitude d’acteurs qui se profilent. C’est surtout un « comment faire ? » qui pointe dès que l’on veut bien s’y pencher d’un peu plus près.

La SPL Efficacité Energétique dont la création nous est aujourd’hui proposée répond en partie à la question, en ce qui concerne le patrimoine public. Et c’est déjà énorme. Imaginez, demain, si l’équipe opérationnelle de la SPL et un réseau des conseillers en énergie partagée sont à la hauteur de nos ambitions, n’importe quelle commune ou intercommunalité de Rhône-Alpes pourra obtenir une expertise rapide et solide des gisements d’économies existants sur son patrimoine. Gymnases, piscines, bibliothèques, mairies, centres techniques, écoles, collèges, tous ces bâtiments sont concernés. Ensuite, elle pourra bénéficier d’un montage financier et d’un mécanisme de tiers-financement pour engager des travaux rapidement. Très vite, grâce aux économies d’énergie, elle dégagera des marges pour investir dans de nouveaux travaux ou sur d’autres politiques.

Le groupe écologiste se félicite donc de la création de cette SPL. Nous y voyons un premier pas vers un service public d’ingénierie énergétique, ciblant dans un premier temps les collectivités territoriales. En commission Énergie la semaine dernière, nous avons calculé qu’il faudrait créer environ 120 postes sur Rhône-Alpes, en plus de la trentaine de conseillers existants. 120 postes, c’est très peu vu le retour sur investissement remarquablement efficace à tous points de vue !

Face au gâchis du gouvernement précédent, notre Région prend donc ses responsabilités, comme d’autres collectivités qui se lancent dans diverses expérimentations. Je voudrais citer la région Aquitaine avec son appel à projet TEPOS, comme le nôtre, et son « Défi Aquitaine Climat » qui prévoit 300 mesures et un budget de 272 M€ pour atteindre un objectif de 3×30 en 2020, objectif partagé avec l’État dans le SRCAE d’Aquitaine… Je voudrais citer l’Île de France avec sa SEM Énergie Posit’IF, qui va proposer du tiers-financement à toutes les copropriétés francilienne. Ces expérimentations sont maintenant soutenues par le Premier ministre, comme il l’a dit lors de la Conférence environnementale.

Les idées et scénarios d’avenir sont là, avec négaWatt, avec Jeremy Rifkin et sa vision d’une Troisième révolution industrielle sobre et décentralisée, avec les propositions débattues pendant les récentes élections.

 L’EXPERIENCE DE LA REGION RHÔNE ALPES PROUVE QUE DES PROGRES MAJEURS SONT POSSIBLES.

Car l’implication active de la Région en matière de performance des rénovations ne date pas d’aujourd’hui. C’est le fruit d’une réflexion de plusieurs années, qui est portée non seulement au sein de l’Association Effinergie, mais également via le développement d’un référentiel « réhab » pour les logements sociaux bien plus performant que la règlementation nationale existante, avec pour cible un minimum de performance énergétique allant de 80 à 60 kwh/m2/an tous usages confondus.

Bilan aujourd’hui : la quasi-totalité des bailleurs est formée et en RA il n’y aura pas de problème pour mettre en œuvre la RT 2012. Donc allons y, démultiplions nos efforts pour dépasser le stade des appels à projets ciblés par filières, de notre PPI lycées, des concours (utiles mais limités en impact) du type FAEP.

Changeons de braquet avec un projet de territoire cohérent, moderne car anticipant la fin des énergies fossiles, solidaire car traitant les Rhônalpins qui souffrent de la précarité énergétique, un projet axé sur la sobriété énergétique, les énergies renouvelables, la réduction de notre empreinte écologique pour honorer la dette climatique que nous avons vis-à-vis des pays du Sud.

Avançons dans la construction de notre plan climat régional, dotons le de nouvelles politiques, de moyens humains et financiers renforcés, à la hauteur d’une politique qui vise l’accélération du changement sociétal, culturel…

 

  • Adoptons une contribution carbone volontaire interne,
  • formons tous nos personnels à la maitrise de l’energie, créons un site Intranet « bonnes pratiques » pour agents de la Région  et les  partenaires,
  • développons la rénovation thermique du patrimoine des lycées et un service de proximité « maîtrise de l’énergie » pour les lycées publics,
  • élargissons la démarche « lycées écoresponsables » aux CFA,
  • mettons en place un outil « impact carbone  » dans la restauration scolaire et dans toutes les aides du conseil régional,
  • lançons avec les professionnels un plan de formation pluriannuel des acteurs en charge de la maîtrise de la consommation des bâtiments,
  • Créons un fonds d’investissement dans les ENR et la réhabilitation énergétique de logements privés
  • Elargissons l’appel TEPOS à toute la région
  • Fixons un critère « efficacité énergétique » dans le fonds régional de garantie d’emprunt

Ensuite ce projet il nous faut le diffuser, le faire partager par d’autres collectivités, et avec l’Etat dans le cadre d’un SRCAE qu’il faudra bien remettre sur le métier, et le plus tôt sera le mieux. Enfin, cette SPL, dédiée à l’efficacité énergétique au bénéfice des collectivités locales qui en seront membres, illustre bien à quel point la région est un vecteur de solidarité sur les territoires, contrairement à une vision « technocentrée » sur les grands pôles métropolitains concentrant les ressources sans souci redistributif.

Ce n’est qu’un 1er pas mais il nous permet de franchir un saut qualitatif important vers une région « autorité organisatrice de l’energie ». 

 

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