Industrie semencière : Lettre aux députés

Une proposition de loi sur les Certificats d’Obtention Végétale devrait être soumise au vote des députés courant novembre. Cette loi, si elle est adoptée en l’état, interdira aux paysans de réutiliser leurs propres semences à moins de payer des royalties à l’industrie semencière.

Adopté en juillet par l’ancienne majorité sénatoriale, ce texte est soutenu par un gouvernement qui défend les intérêts privés des financiers et des actionnaires des industriels semenciers au détriment de la liberté de cultiver des produits sains et sélectionnés naturellement par des générations de paysans.

Les élus Europe Ecologie – Les Verts au Conseil régional Rhône-Alpes ont écrit aux députés pour leur faire part de leur inquiétude à ce sujet.

Madame la Députée,

Monsieur le Député

La commission des affaires économiques de l’Assemblée Nationale va le 9 novembre prochain examiner une proposition de loi relative au Certificat d’Obtention Végétale déjà votée le 8 juillet dernier par le Sénat. Cette proposition de loi a pour objet d’interdire les semences de ferme sur de nombreuses espèces et d’imposer le prélèvement de royalties pour les espèces où elle les autorise. Elle bafoue le droit le plus fondamental des agriculteurs, celui de ressemer et d’échanger librement le produit de leur récolte. Ce droit est le fondement de notre agriculture, il est à l’origine de notre culture, de notre gastronomie et d’une cuisine française classée au patrimoine de l’Unesco. Ce droit est indispensable à l’adaptation des cultures aux changements climatiques et à l’environnement local ainsi qu’au renouvellement de la biodiversité cultivée. Il est aussi le garant du stock semencier des fermes et donc de la sécurité alimentaire. Il ne saurait s’effacer devant un quelconque droit privé.

En réclamant cette loi au prétexte fallacieux de « sauver la recherche », l’industrie veut avant tout forcer les paysans à acheter les semences qu’elle vend et les empêcher d’utiliser celles qu’ils produisent eux-mêmes.

Alors qu’elle n’a jamais rien payé pour utiliser toutes les semences qu’elle a prises dans les champs des paysans afin de sélectionner les siennes, on peut s’interroger sur la légitimité de son exigence de prélever des royalties aux agriculteurs qui réutilisent les leurs.

Ceci nous concerne tous directement : les semences sont la base de notre alimentation et le contenu de nos assiettes dépend de qui les produits. La souveraineté alimentaire ne sera jamais assurée par des sociétés commerciales orientées vers la satisfaction des intérêts de leurs seuls actionnaires.

En cédant au lobby de l’industrie semencière l’Assemblée Nationale porterait donc une atteinte sans précédent à ce droit fondamental des agriculteurs. Elle sonnerait le glas d’une recherche agricole totalement indépendante.

Protéger et défendre les semences de ferme c’est non seulement défendre le droit et l’éthique mais c’est aussi préserver d’indéniables  intérêts environnementaux économiques et sociaux.

I-) Intérêts environnementaux

Utiliser les semences de ferme c’est 50% de produits phytosanitaires en moins et deux fois moins d’insecticides.
A l’inverse des stations de semences à la ferme :

– l’agriculteur adapte la dose sur semences au besoin de son assolement avec souvent sous dosage par rapport au risque diagnostiqué

– il a le libre choix du traitement

– le mélange de variétés préconisé par l’INRA est plus aisé et pratiqué d’où un recours moindre aux produits phytosanitaires.

Par leur adaptabilité aux territoires les semences de ferme préservent la biodiversité.
Economie de transport grâce à l’unité de lieu
Déchets inexistants puisque les quantités auto produites sont semées (en 2003 les déchets sur semences industrielles représentaient 10 000T).
Traçabilité garantie
Sécurité d’approvisionnement : la semence de ferme est l’alternative aux manques de variétés
Souveraineté alimentaire : en produisant sa semence l’agriculteur maîtrise le premier maillon de la chaîne alimentaire
Aménagement du territoire : Auto production des semences sur l’ensemble du territoire  français

II-) Intérêts économiques

200 000 agriculteurs produisent eux-mêmes leurs semences ce qui représente une valeur d’autoproduction de 150 millions d’€. et une réduction des charges des exploitations agricoles de l’ordre de 60 millions/an.
Plus de 50% de l’assolement en France est fait par de la semence de ferme.
Une réduction d’intrants liée aux semences fermières de l’ordre de 50 à 60%.
Une aide précieuse à l’agriculture biologique.

III-) Intérêts sociaux

La semence de ferme permet de valoriser l’emploi rural, de revitaliser un terroir.

Elle concerne des centaines d’emplois ruraux chaque année (du chef de station de triage à l’aide assistant)

C’est une pratique d’avenir, utilisée par 56% des agriculteurs de moins de 35 ans.

Pour toutes ces raisons Madame, Monsieur le (la) député(e) il convient de s’opposer à cette taxation qui affaiblirait gravement les agriculteurs en leur interdisant un revenu décent et ce dans un contexte de crise économique, de concurrence agricole et de baisse programmée des aides européennes.

Nous vous demandons donc Madame, Monsieur de bien vouloir infirmer le vote du Sénat et de rejeter un projet de loi injuste socialement et néfaste économiquement.

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