Intervention de Claude COMET : Relancer la dynamique du tourisme social et solidaire en direction de la jeunesse

Monsieur le Président,

Cher(e)s collègues,

 

Cette délibération se situe dans la ligne et le cadre du Schéma Régional de Développement du Tourisme et des Loisirs, voté par les élus régionaux en 2008. Schéma qui s’était donné deux priorités : favoriser un tourisme pour tous et un tourisme des “4 saisons”.

 

Cette nouvelle délibération répond à deux objectifs :    

–          revaloriser ce qui existe, la réalité économique – ainsi qu’en termes d’aménagement du territoire et de valeurs – de ce secteur du tourisme qui réalise 6% des nuitées touristiques de Rhône-Alpes et contribue à 2,3 milliards d’euros de retombées sur la vie locale…

–          donner à ce secteur une perspective nouvelle en l’ouvrant et en l’accompagnant vers une dynamique d’accueil des jeunes – rhônalpins et européens – …

 

Elle intervient à un moment où le taux de départ en vacances diminue pour les moins aisés touchant particulièrement les familles modestes.

Selon une étude du Crédoc réalisée pour l’Observatoire des inégalités, chez les familles modestes ce taux de départ a perdu 14 points entre 1998 et 2009, passant de 46 à 32 %. (près d’une sur trois)

 

Le tourisme social et solidaire, c’est, en Rhône-Alpes, 800 centres présents dans tous les départements :

–          60 % d’entre eux sont portés par le secteur associatif

–          mais il existe aussi des centres portés par des collectivités, des communes notamment, des mutuelles, des Comités d’entreprises…

 

Ces centres ont largement contribué à l’histoire touristique de nos territoires. On se souvient des premières classes de neige à Praz sur Arly, il y a 60 ans, des maisons pour enfants du Vercors, en partie issus de la Résistance et il y a des associations très actives dans la Loire ou dans la Drôme, à l’exemple d’Arvel ou du Martouret.

Cette histoire n’est pas anodine, elle a vraiment forgé et identifié nos territoires, elle les a façonnés…

Or, aujourd’hui certains de ces territoires ont oublié, ou oublient l’intérêt de porter ces centres, de faire venir à eux des familles à revenus modestes, de permettre l’accès aux vacances au plus grand nombre, pour chercher toujours plus loin, des clientèles toujours plus fortunées. Un pari interrogatif, et même risqué sur le plan économique et qui ne permet pas de répondre aux urgences sociales qui sont devant nous… 

 

Pourtant, aujourd’hui encore, ces centres, dans ces territoires, sont ouverts une bonne partie de l’année – à la différence de tant de meublés qui restent clos plusieurs mois par an –. Ils stabilisent des emplois également à l’année et irriguent les territoires de retombées économiques essentielles.

 

Surtout ce secteur du tourisme est porteur de valeurs fortes, notamment lorsqu’il est orienté vers l’accueil des jeunes :

–          accès aux vacances pour le plus grand nombre et notamment pour les moins aisés

–          mixité sociale, apprentissage du vivre ensemble, éducation à la citoyenneté.

 

Je voudrais citer l’exemple du centre Musique et Montagne à Lans en Vercors.

Sa directrice était venue nous présenter son travail en commission tourisme et montagne

–          85 lits, ouverts 10 mois sur 12

–          un taux de fréquentation à l’année de 80 %

–          16 salariés, tous partie prenante du projet

–          Un travail collaboratif avec d’autres acteurs du plateau du Vercors et notamment un travail sur un groupement d’employeurs, sur des circuits courts

–          une mixité réelle des bénéficiaires : ados des banlieues, jeunes autistes, gamins de classes de découverte, venus de Rhône-Alpes mais aussi de toute la France…

–          une ouverture à différentes activités, vers la musique et vers l’apprentissage de la montagne

–          un équilibre économique, sans doute fragile, mais bien réel, qui permet aussi de pouvoir compter sur une pérennité du tissu local ;

Ce n’est pas le seul exemple, bien entendu. Mais il est emblématique d’une volonté de sortir le secteur de l’ornière dans laquelle il est laissé depuis quelques années.

 

Car ce secteur du tourisme est en difficulté : entre 2004 et 2009, 108 centres ont fermé en Rhône-Alpes et le secteur a perdu plus d’un million de nuitées

Et cela pour plusieurs raisons :

–          une nécessité de mise aux normes, et de travaux d’accessibilité… on estime, au niveau national à quelques 500 millions d’euros les besoins en investissement de ce secteur ;

–          alors même que ces centres sont souvent installés sur des territoires à forte pression foncière et que bon nombre d’entre eux sont en crise d’identité et de positionnement, face aux évolutions des pratiques et des clientèles.

–          un recul des financeurs traditionnels, notamment de l’Etat, qui n’était pas intervenu dans ses aides sur ce secteur depuis 2006. Il vient de lancer – c’est à saluer – le fonds Tourisme social investissement, même si celui-ci n’est doté que de 15 millions d’euros pour l’ensemble de la France. C’est peu, trop peu…

 

De son côté, la Région Rhône-Alpes est toujours restée aux côtés du tourisme social et solidaire, elle a réaffirmé cet engagement à plusieurs reprises ces dernières années. C’est pourquoi il est important aujourd’hui de confirmer cette orientation et de la consolider.

 

Aujourd’hui, à l’heure où la société se précarise, s’individualise, il nous parait très important de réaffirmer cette présence de la Région et son soutien aux initiatives innovantes à caractère social ;

Chers collègues, je vous propose donc de dire ensemble à ces centres :

–          Que nous sommes à leurs côtés,

–          Que nous souhaitons les accompagner dans une démarche de progrès et d’ouverture, de réflexion sur leurs valeurs et sur les évolutions à apporter à leur modèle économique

 

 

 

 

 

En faisant en sorte :

–          de les aider à s’inscrire dans le secteur de l’économie sociale et solidaire

–          de leur proposer de les accompagner – puisque c’est le plus souvent le cœur de leur métier – dans l’accueil des jeunes, et des enfants,

–          de les aider à s’ouvrir à des contacts vers de nouveaux publics, tel que les jeunes Européens.

De manière à ce que ces centres qui ont fait l’histoire de nos territoires puissent trouver, par ce soutien régional affirmé, une réelle bouffée d’oxygène et de nouvelles perspectives.

 

C’est ce que je vous propose, chers collègues, de porter ensemble !

 

Il s’agira donc de créer une Maison commune (une commission extra régionale) qui mettra tout le monde autour de la table, avec nous élus régionaux :

–          les hébergeurs et leurs fédérations, dont l’Unat

–          les comités d’entreprises, les partenaires sociaux

–          les financeurs, Conseils généraux, collectivités, Etat, mais aussi le secteur bancaire et le secteur de l’Economie sociale et solidaire.

–          Mais encore l’Education nationale…

de manière à faire vivre cette politique et à lancer un travail collectif sur les nouveaux modes de financement utiles à ce secteur, d’échanger les bonnes pratiques, de mutualiser les savoirs…

 

Il s’agira aussi d’adapter et de compléter les dispositifs d’aide à l’investissement pour les projets et les centres qui s’engagent dans une démarche de progrès.

Ici par de critères limitatifs, mais bien incitatifs : il faut convaincre, plutôt que contraindre. Une démarche de progrès donc, qui s’articule autour des critères suivants :

–          lien aux territoires, ancrage local, implication des habitants et circuits courts

–          sécurisation des parcours des salariés

–          aménagements de mise aux normes et d’accessibilité

–          efficience énergétique, dynamique de réseaux, caractères innovants

 

Le montant de la subvention, qui était plafonné jusqu’ici à 80 000 euros sera porté à 200 000 euros, sous réserve des règles européennes.

 

Mais surtout –en complément du fonds Tourisme social investissement trop peu doté – je vous propose de mettre en place un fonds de garantie, ou des systèmes d’avances remboursables, de manière à responsabiliser les structures, justement dans leur modèle économique

Ces aides seront conditionnées de manière systématique

–          à une expertise préalable du projet

–          à l’exploitation du centre pendant 10 ans sur ce même type d’activité car on a trop vu de centres bénéficier de subventions fermer et être vendus en appartements. De la même manière, il faudra être attentif au portage du projet et à son contenu social. Pas de lits à vocation lucrative ! Ce sera le travail du comité d’avis.

 

Je vous propose aussi d’accompagner ce secteur en ingénierie par :

–          une aide au projet et au porteur de projet, tout au long de son parcours, on pourra d’ailleurs s’appuyer sur le DLA (Dispositif Local d’Accompagnement)

–          ainsi qu’une aide à la promotion, par de la veille, et de la formation des acteurs – notamment sur l’ouverture aux clientèles des jeunes Européens–, en mandatant Rhône-Alpes tourisme pour ce faire ;

 

Et, concernant l’aide au départ, ce même si les Régions n’ont pas la compétence sociale, il est possible de mieux coordonner et de cibler les aides que nous donnons déjà à telle et telle fédérations.

Je veux ici rappeler le succès qu’a remporté le week-end dernier à Lescheraines, dans le massif des Bauges, l’opération Montagne solidaire qui a réuni plus de 1 000 bénéficiaires.AntoineFatiga y représentait notre région.

 

Enfin je remercie très vivement Sarah Boukaala qui souhaite mobiliser la carte M’RA pour créer des bons plans autour de ce secteur du tourisme social et solidaire.

Voila, cher(e)s collègues ce que nous avons voulu mettre en avant, dans cette délibération qui me tient à cœur.

Nous avons, je pense, été nombreux à avoir passé des vacances en colo, peut être certains d’entre vous ont appris la montagne par ce biais, appris aussi le vivre ensemble, pratiqué certaines activités, gardé des souvenirs d’ados ou d’enfants…

Je vous propose de redonner du souffle à ce secteur, pour que ceux qui seront les adultes de demain puissent eux aussi vivre de telles expériences, qui laissent des souvenirs et bien plus que cela, pour entrer dans la vie.

 

Ce n’est pas un secteur anodin du tourisme, c’est un secteur porteur de sens et d’avenir…

Nous devons et nous pouvons le réaffirmer, aujourd’hui, là où nous sommes. 

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